Synthèse de Samir Azzoug L'Algérie reproche à l'Union européenne de privilégier, dans sa gestion de la problématique de la migration, l'approche sécuritaire au détriment de celle globale et intégrée. M. Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, dans une allocution prononcée au forum de Crans Montana, qui célèbre son 20e anniversaire à Bruxelles, rapportée par l'APS, déplore la dualité qui caractérise les positions de certains pays européens en la matière. «A un moment où l'ensemble des conférences [régionales et internationales consacrées à la migration] ont conclu à la nécessité du traitement global et équilibré de la migration, révélant parfaitement les limites des solutions sécuritaires, sur le terrain, ce sont ces solutions qu'ils [les pays de la région euroméditerranéenne] continuent de privilégier», poursuit M. Belkhadem. Pour étayer ses propos, il cite les conclusions du dernier Conseil de l'UE [18 et 19 juin] qui tendent à renforcer la lutte contre l'émigration clandestine et à recommander une réponse déterminée et ferme au phénomène. «Bien que l'UE préconise une approche qui se veut globale, le socle législatif et réglementaire s'oriente davantage vers une démarche sélective et sécuritaire perceptible à un double niveau», constate-t-il. Sélective «parce qu'elle encourage une immigration choisie [...] qui permet aux ressortissants des pays tiers hautement qualifiés de travailler dans les Etats membre de l'UE que d'aucuns ont considéré qu'elle constitue une forme d'encouragement de la fuite des cerveaux», et sécuritaire car «l'accent est mis sur les efforts de la lutte contre l'immigration illégale et la mise en place d'un arsenal juridique à travers, d'une part, la Directive retour, et, d'autre part, les engagements contenus dans le Pacte européen sur l'immigration et l'asile», argumente M. Belkhadem. L'orateur regrette que la migration «ne soit aujourd'hui perçue que péjorativement et qu'elle devienne source d'incompréhension et de différends». «La migration, ce sont également des opportunités d'échanges, de brassages socioculturels, de participation pleine à la vie politique, économique et sociale, et au développement des Européens, bref un facteur de rapprochement qui ne saurait être altéré par l'immigration clandestine, que nous combattons, du reste, tous», a-t-il souligné. Sur le volet de l'émigration illégale, l'Algérie peut se targuer d'avoir une bonne expérience. «L'expérience de l'Algérie, qui est devenue à son corps défendant un pays d'origine, de transit et d'établissement de la migration, mais aussi celle d'autres pays du sud de la Méditerranée, nous renseignent que le phénomène migratoire répond à de multiples défis et facteurs qui sont d'ordre tout aussi humain, économique, social que sécuritaire», explique M. Belkhadem, soutenant que «la situation qui interpelle le plus, à cet égard, est celle qui prévaut dans les pays du Sahel, une situation exploitée par les filières de passeurs qui n'hésitent pas à faire jonction avec le terrorisme en pratiquant la prise d'otages et le trafic d'êtres humains». «Cette situation a gagné en complexité en raison de la pratique du versement de rançons. Le terrorisme y trouve une nouvelle source de financement, tout en accentuant le phénomène migratoire en raison de l'insécurité qui règne sur le terreau de la pauvreté», poursuit-il. Consciente de cette complexité, l'Algérie reste convaincue que le «triptyque migration, sécurité et développement mérite une approche globalisante, assise sur des méthodes de concertation effectives». «Mon pays est de ceux qui ont toujours considéré que seule une approche globale et intégrée de la problématique migratoire, qui place la personne humaine et ses droits fondamentaux au centre des préoccupations et qui se base sur un esprit de partenariat équilibré et mutuellement bénéfique, pourra nous aider à gérer convenablement et de manière efficiente ce dossier», a déclaré M. Abdelaziz Belkhadem. La question migratoire «devrait d'abord être examinée sous l'angle du développement et de la prise en charge de ses causes profondes».