«Le socle législatif et réglementaire s'oriente davantage vers une démarche sélective et sécuritaire perceptible à un double niveau.» Si la France la veut «sélective» pour des fins proprement professionnelles, économiques pour ainsi dire, l'Algérie plaide pour une approche globale et intégrée de la problématique migratoire. Une approche qui respecte la dignité humaine et privilégie un partenariat mutuellement bénéfique entre le Nord et le Sud. «Bien que l'Union européenne préconise une approche qui se veut globale, le socle législatif et réglementaire s'oriente davantage vers une démarche sélective et sécuritaire perceptible à un double niveau», a déclaré jeudi à Bruxelles lors du forum Crans Montana, Abdelaziz Belkhadem. Par ces termes, le ministre d'Etat et représentant personnel du président de la République Bouteflika, dénonce clairement la politique de l'immigration choisie à laquelle oeuvrent plusieurs pays du Vieux Continent, notamment la France. Le nouveau «projet Sarkozy» a pour objectif de durcir les règles d'entrée et de séjour des étrangers. Une telle visée politique tient du modèle anglo-saxon d'une mobilité sélective, mais les populations concernées par les marchés du travail qualifiés du Canada, des Etats-Unis et de l'Australie n'ont pas les mêmes caractéristiques que celles concernées par la politique française. Le président français veut faire d'une pierre trois coups:boucher les trous sur le marché de l'emploi, remplir le réservoir national de compétences et donner «un coup de jeune» à une population vieillissante. Nonobstant ce bémol, c'est toute la politique migratoire française qui s'en trouve bouleversée. L'approche européenne, française en particulier, est sélective «parce qu'elle encourage une immigration choisie (...) qui permet aux ressortissants des pays tiers hautement qualifiés de travailler dans les Etats membres de l'UE», a expliqué Abdelaziz Belkhadem. Et de relever que «d'aucuns ont considéré qu'elle constitue une forme d'encouragement de la fuite des cerveaux». En d'autres termes, une manière de «dégarnir» l'Algérie, ainsi que d'autres pays du Grand Maghreb, de ses têtes pensantes. Devant cette volonté française d'accaparer uniquement le meilleur qui vient du Continent noir ou d'ailleurs, M.Belkhadem semble avoir quelque chose en travers de la gorge. Et de lâcher: il est regrettable que la migration «ne soit aujourd'hui perçue que péjorativement et qu'elle devienne source d'incompréhension et de différends alors qu'elle peut être source d'opportunités d'échanges, de brassages socioculturels...» Dans son «réquisitoire» qui se veut une leçon de rationalisme à tous les partisans de cette politique migratoire, le ministre d'Etat précise: elle est également sécuritaire parce que l'accent est mis sur les efforts de la lutte contre l'immigration illégale et la mise en place d'un arsenal juridique à travers, d'une part, la «Directive retour» d'autre part, les engagements contenus dans le «Pacte européen sur l'immigration et l'asile», a-t-il ajouté. Ce pacte, faut-il le souligner, généralise l'utilisation des visas biométriques d'ici à 2012, appelle au renforcement des systèmes existants tels que le système d'information Schengen et préconise la «chartérisation» des opérations d'expulsion, notamment des migrants clandestins. Dans une autre optique, celle de la «relation migration et développement», le ministre d'Etat a indiqué que «la situation qui interpelle le plus, à cet égard, est celle qui prévaut dans les pays du Sahel, une situation exploitée par les filières de passeurs qui n'hésitent pas à faire jonction avec le terrorisme en pratiquant la prise d'otages et le trafic d'êtres humains». Inquiétante à plus d'un titre, cette situation a gagné en complexité en raison de la pratique du versement de rançons. «Le terrorisme y trouve une nouvelle source de financement, tout en accentuant le phénomène migratoire en raison de l'insécurité qui règne sur le terreau de la pauvreté.» L'enjeu est de taille et l'immigration peut être, une fois de plus, source de divergences entre les pays des deux rives de la Méditerranée.