Rafik Abdelmoumene Khalifa. Un nom qui ne disait absolument rien aux Algériens, autres que ceux qui ont connu son père Laroussi Khalifa, chef de cabinet de Boussouf au MALG pendant la guerre de libération et ancien ministre de l'Industrie et de l'Energie du gouvernement Ben Bella. Jusqu'au jour où il décide de la création d'une banque pas comme les autres. En s'appuyant notamment sur les amitiés de son père. Khalifa Bank accordait à ses clients des taux d'intérêt oscillant entre 13 et 16%. Des cartes de crédit étaient distribuées à tous ceux qui y étaient domiciliés en dinars ou en devises (American Express et MasterCard). La banque opérait des transferts avec Western Union. Qu'il s'agisse des entreprises, de certains organismes publics (les Caisses de Sécurité sociale et autres mutuelles) ou de particuliers. Khalifa engrangeait donc des sommes astronomiques provenant des déposants. Ce qui lui a permis de voir grand et d'étendre ses activités. C'est ainsi que naîtra la compagnie aérienne Khalifa Airways. Financée par Khalifa Bank. Il ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Les facilités dont il a bénéficié étant sans limite, il se met à créer des entreprises tous azimuts : Khalifa Construction, Khalifa Groupe Protection et Sécurité qui activait sans agrément du ministère de l'Intérieur et qui employait 900 personnes, KRG Pharma (fabrication de médicaments), Khalifa Jet Team, une patrouille aérienne acrobatique, KTV… Une ascension fulgurante que Rafik Khalifa expliquait aux journalistes qui l'interrogeaient par la confiance placée en lui aussi bien par les pouvoirs publics algériens que par ses partenaires étrangers. Une confiance qui finira par voler en éclats après la découverte du pot aux roses. Khalifa s'endettait à n'en plus pouvoir. Etranglé, il informera ses filleules qu'étaient les équipes de football qu'il n'était plus en mesure de les financer en raison de difficultés de trésorerie. C'est à ce moment que la Banque d'Algérie décide de sévir. Et ce fut le scandale. Un scandale qui trouvera un début d'épilogue, quoique sur un goût d'inachevé au tribunal criminel près la cour de Blida. Où furent tenus en haleine, deux mois durant, tous ceux que le procès intéressait. C'est ainsi qu'on verra défiler à partir du 8 janvier 2007 pas moins de 104 accusés, de 200 témoins et une «armée» de robes noires, dont celles de la partie civile et des déposants. Deux mois pendant lesquels on verra défiler de hauts responsables de l'Etat algérien, dont des ministres de l'époque, des directeurs, des membres de la commission bancaire, le gouverneur de la Banque d'Algérie. Et qui avaient déclaré au tribunal ne rien savoir sur les agissements de Khalifa, ne pas avoir été mis au courant ou encore n'avoir pas été «suffisamment intelligent pour détecter la gravité de la situation». Deux mois pendant lesquels on s'attendait à ce que les personnes citées, aussi bien par les témoins que par les accusés pour leur implication dans l'affaire de celle qu'on appelait communément «la caisse principale de Khalifa Bank», comparaissent devant le tribunal, mais qui n'ont jamais été inquiétées. Deux mois pendant lesquels de fracassantes révélations ont été faites. Dont celles de Guellimi Djamel relative à la navette que faisaient d'anciens ministres au bureau d'Abdelmoumene, où lui-même ne daignait pas les recevoir. Deux mois à l'issue desquels le verdict était tombé comme un couperet. Des condamnations allant de deux ans de prison ferme à la perpétuité par contumace pour le principal accusé qu'est Rafik Abdelmoumene Khalifa qui a choisi de suivre son propre procès à partir de Londres. Et c'est dans cette même capitale britannique qu'il a été arrêté sur plainte de la justice française, au moment même où la justice algérienne lancera un mandat d'arrêt international contre lui. Mais pas seulement. Le même mandat a été lancé contre les frères Keraman, l'épouse de Abdelmoumene, Nadia Ghazi Kebbache, son oncle, ancien directeur général d'El Khalifa Bank et de Khalifa Construction, et Mohamed Nanouche, ex-directeur général adjoint de la même banque, qui ont été placés en état d'arrestation provisoire. Ils ont finalement été interpellés à Paris le 29 mai 2007. Toutefois, on ne sait rien sur le dossier de l'extradition. La justice algérienne avait un délai de 30 jours, à compter de la date de leur arrestation, pour introduire la demande de «livraison». Deux ans après le prononcé du verdict dans le premier procès, l'affaire Khalifa revient. Dans le cas où l'ex-golden boy serait livré à l'Algérie, saurait-on, enfin, toute la vérité sur ce dossier ? Les personnes qui en sont sorties indemnes seront-elles poursuivies après leur renvoi devant le tribunal criminel par la Cour suprême ? F. A.