Les confessions douteuses d'un général français à la retraite au sujet, extrêmement sensible, de l'assassinat des sept moines trappistes de Tibhirine (Médéa), au mois de mars 1996 par le GIA, font des vagues entre Alger et Paris. Déposant comme témoin devant la justice de son pays, l'ex-attaché militaire de l'ambassade de France à Alger au moment des faits met cette affaire macabre sur le compte d'une bavure qui aurait été commise par l'armée de l'air algérienne. L'argumentation, imprécise et à la limite irrecevable, du général François Buchwalter repose sur le témoignage incertain d'un informateur algérien anonyme détenant, à son tour, «le tuyau» d'un frangin, tout aussi anonyme, qui aurait participé à cette opération. Le délire de cet ancien officier ne s'arrête pas là, car il suggère aussi que l'assassinat, au cours de la même année, de l'ancien évêque d'Oran, Mgr Claverie, serait également l'œuvre des services de sécurité algériens. Même si sa déposition tardive ne repose sur aucune preuve palpable, les déclarations du général Buchwalter font la Une de tous les médias français qui s'en donnent à cœur joie pour dénigrer l'Algérie. Faut-il rappeler que le GIA, alors sous la direction criminelle de Djamel Zitouni, avait revendiqué l'enlèvement et, ensuite, l'assassinat des religieux français. Bien avant d'égorger les moines, le chef terroriste, liquidé quelques années plus tard par ses acolytes, avait bel et bien engagé -dans le dos des autorités algériennes de l'époque- des négociations avec de hauts cadres de l'Etat français pour échanger ses otages contre des terroristes en détention en Algérie et ailleurs. Une commission rogatoire internationale conduite par le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière avait subséquemment validé la piste du GIA. C'est une affaire classée. Ce qui est tout de même curieux c'est cet intérêt croissant que les médias français semblent accorder aux digressions invraisemblables du généralissime Buchwalter. Des politiques de premier plan, comme le président Nicolas Sarkozy et l'ancien Premier ministre Jean-pierre Raffarin, donnent aussi à cette affaire -qui, en fait, n'en est pas une- une toute autre dimension. Le premier intime à la justice l'ordre «d'aller jusqu'au bout de son travail» et le second appelle à «la levée du secret défense» dans cette affaire, estimant qu'il eut dissimulation délibérée de la vérité. Etant clean dans cette histoire grotesque, l'Algérie n'a même pas bronché. Cette levée de boucliers nuit surtout aux responsables français de l'époque. Alain Juppé, alors chef du gouvernement, et son ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, qui avaient mené les tractations avec le GIA par l'intermédiaire de l'ambassadeur de l'époque Michel Lévêque sont directement visés. Même la hiérarchie militaire française durant les années 1990 se retrouve mêlée à cette sordide histoire. On a nettement l'impression d'être en face d'une affaire franco-française. Hervé de Charrette, ministre français des Affaires étrangères au moment des faits, balaie les assertions approximatives de Buchwalter d'un revers de la main. «Voici donc la quatrième ou cinquième version de ces faits. Moi je m'en tiens à ce que je sais, à ce que j'ai pu voir […] Le GIA a revendiqué ces événements. Il a demandé en contrepartie des initiatives de la France, c'est-à-dire la libération d'Algériens détenus, ce que nous n'avons pas fait.Il a menacé de les tuer et quand ils ont été découverts, il a déclaré que c'était lui-même qui l'avait fait. Donc c'est ça les faits, tout le reste ce sont des commentaires», a-t-il réagi. Entre de Charrette et Raffarin, il y a une telle différence de ton qui laisse penser à un «truc» destiné à la consommation interne. Mais sinon, personne au monde ne peut reprocher à l'Algérie d'avoir résisté seule à la déferlante terroriste. Bien au contraire, il lui appartient d'accabler tous les autres pour avoir offert gîte et couvert aux égorgeurs d'enfants qui ont fait de l'Europe une base arrière à leur sale besogne en Algérie. De 1993 à septembre 2001, tous les pays occidentaux (France, Angleterre, Allemagne, Espagne, Etats-Unis etc.) toléraient les activistes islamistes qui y acheminaient armes et finances au profit des maquis terroristes en Algérie. Buchwalter et ses semblables ne peuvent aucunement entacher l'intégrité de l'Etat et du peuple algériens. K. A.