C'est à partir de L'Aquila (Italie) où se déroulait le sommet du G8, que Nicolas Sarkozy a réitéré sa décision de rejeter tout argument de secret-défense concernant l'assassinat des moines de Tibhirine, enlevés puis assassinés par le GIA en 1996. «Il n'y aura pas de secret-défense sur cette affaire, que les choses soient claires», a déclaré le président français. Et d'ajouter à l'endroit des journalistes : «Pourquoi voulez-vous qu'avec le président algérien nos relations s'en trouvent bouleversées. La justice est saisie. Que la justice dise la vérité. Moi, je m'en tiens quand même au communiqué n°44 du GIA en 1996 revendiquant l'assassinat des moines. Je n'ai accusé personne, je veux que la vérité soit faite.» Voilà qui vient mettre un terme à toutes les supputations et blocages dont le juge instructeur aurait pu faire l'objet dans cette affaire et relatifs au sacro-saint secret-défense qui ne concerne en fait que les services de renseignements de l'Hexagone. Tout cela vient confirmer ce que la Tribune a développé comme analyse et lecture quant à ce dossier. C'est-à-dire que le secret-défense ne vaut que pour des affaires strictement internes et n'a rien à voir avec la raison d'Etat. Les propos de Sarkozy ont été appuyés par l'ex-président de la République française, Jacques Chirac en l'occurrence, qui a assuré deux mandats présidentiels, et donc très au fait du dossier. Selon l'Agence France presse qui cite les proches et l'entourage immédiat de Chirac, l'ex-chef de l'Etat n'entend pas faire de commentaire à ce stade de l'enquête. Certainement pour ne pas gêner la justice. Il a néanmoins souhaité que «la vérité soit établie». Il faut souligner que ce n'est pas fortuit si Nicolas Sarkozy, qui s'est dit très touché par l'assassinat des 7 religieux, a déclaré s'en tenir au communiqué n°44 du GIA. Le président français de l'époque était maire de Neuilly-sur-Seine, mais aussi député. En tant qu'élu, il s'était déplacé à Alger en 1996, année des faits. Il va sans dire qu'il avait effectué un passage par l'ambassade de France où il avait certainement dû avoir plus de précisions sur les circonstances de l'assassinat des moines. Ce d'autant que le mystérieux émissaire français qui avait pris contact avec le groupe terroriste à l'insu des autorités algériennes et d'une partie des services secrets de l'Hexagone rendait compte de ses pourparlers à l'ambassadeur alors en poste à Alger. Ces derniers développements n'ont pas laissé de marbre l'un des fondateurs et chefs du GIA. Abdelhak Layada s'est manifesté en s'adressant à la presse nationale, apportant un démenti catégorique à toutes les allégations du général français en retraite. «Les services secrets français ont doublé les autorités algériennes et traité directement avec les ravisseurs», a-t-il notamment déclaré. «Dans cette opération, la DST et la DGSE n'ont pas informé les services algériens sur leurs négociations avec les ravisseurs.» Abdelhak Layada n'y est pas allé de main morte dans ses déclarations, accusant carrément l'Etat français de trahison. «Pour cette histoire de Tibhirine, une grande trahison a été commise par l'Etat français. Je dirai que c'est une double trahison des services secrets français, la DST et la DGSE.» Se faisant plus explicite, Layada affirme que cette trahison s'est faite en deux étapes : «D'abord envers les autorités algériennes et deuxièmement envers les groupes islamiques armés. Les services secrets français n'ont pas informé les autorités algériennes quant à leurs négociations avec le GIA pour la libération d'Abdelhak Layada. Quant à la deuxième trahison, il s'agit du non-respect par les Français de l'accord conclu avec le GIA pour la libération des moines.» En fait, ce que ne dit pas Layada, c'est qu'il y a eu atteinte à la souveraineté de l'Algérie. Sinon, comment expliquer que l'attaché militaire ait accepté de le relâcher alors qu'il était incarcéré à la suite d'un jugement rendu par la justice algérienne. Comment s'y serait-il pris ? En usant des voies diplomatiques pour faire pressions sur l'Algérie ? Il est vrai qu'à l'époque la situation sécuritaire, économique de l'Algérie n'était pas au beau fixe, mais de là à s'immiscer dans les affaires de la justice d'un pays, il y a loin de la coupe aux lèvres. En tout état de cause, les affirmations du fameux général en retraite qui a fait de grandes révélations au juge en charge de l'instruction sur l'assassinat des moines, n'ont pas valeur juridique. A moins qu'il ne révèle l'identité de l'officier saint-cyrien comme lui qui lui aurait fait le grand déballage, se basant lui-même sur le témoignage de son frère, membre d'une patrouille héliportée. F. A.