L'Espagne, requinquée par Luis Aragones, a remporté l'Euro 2008, son deuxième titre international après 44 ans d'attente depuis l'Euro 1964, en surprenant l'Allemagne (1-0), favorite avec sa 13e finale d'un grand tournoi à son actif (Mondial et Euro), dimanche dernier à Vienne. Et le héros des 44 millions d'Espagnols s'appelle Fernando Torres. C'est lui qui, lancé par Xavi Hernandez, a mystifié Lahm, qui le devançait pourtant, et a parfaitement piqué sa balle devant Lehmann (33, 0-1). Le Kid de Liverpool, qui restait sur un Euro en demi-teinte (1 but seulement avant cette finale dans ce tournoi), a sorti le grand match, dans une rencontre intense, sous le regard d'un Juan Carlos, roi d'Espagne, ravi. Il y a 24 ans, Michel Platini privait l'Espagne d'un trophée en remportant l'Euro 1984 avec la France aux dépens de la Roja (2-0). Clin d'œil de l'histoire, c'est lui, le président de l'UEFA, qui a remis la Coupe aux Espagnols. Aragones, 69 ans, peut partir avec le sentiment du devoir accompli. Il s'est passé du meilleur buteur de la «Seleccion», Raul (44 buts), dans son groupe des 23 et a su bâtir une équipe rajeunie capable de se débrouiller sans Villa, blessé, meilleur buteur de cet Euro (4 buts). Le «sage d'Hortaleza» avait prévenu avant le tournoi qu'il quitterait l'équipe nationale à l'issue de cet Euro. Ira-t-il à Fenerbahçe ? En attendant, son pays va le fêter, après les torrents de critiques qui auraient pu en noyer d'autres que lui. A Del Bosque, successeur pressenti, de prendre la relève. L'Allemagne, avec un Ballack finalement titularisé après l'incertitude qu'avait fait planer son mollet droit la veille de la finale, n'a donc toujours rien gagné depuis 1996. Quant à Ballack, il a passé une sale soirée, obligé de se faire recoudre une arcade sourcilière après un choc de la tête avec Senna en première période. Son tir rasant le poteau de Casillas lui donnera sans doute encore plus la migraine lundi matin (59e). Fringante en tout début de match, la Mannschaft a payé rapidement ses erreurs de défense (6 buts encaissés avant la finale), illustrées par Lahm par ailleurs souffrant d'une plaie au pied gauche et qui a dû être recousue dans les vestiaires du stade. Il a été remplacé à la mi-temps par Marcell Jansen. Au-delà de Lahm, les petits gabarits du Barça, Xavi et Iniesta, ont fait énormément de mal aux armoires à glace allemandes, type Metzelder (1,94 m). Ce dernier, dégageant mal une balle d'Iniesta, fut d'ailleurs à deux doigts de tromper son gardien Lehmann, auteur d'un bon réflexe (15'). La domination de la Mannschaft n'aura donc duré qu'un petit quart d'heure, avant que la Roja ne se montre dangereuse, d'abord en contres, puis en rentrant davantage dans le match avec son jeu à une touche de balle. Torres avait paru intimidé à l'échauffement, donnant des coups d'œil inquiets du côté allemand, où Podolski et Ballack transpiraient d'assurance. Mais bien aidé par Silva pour se mettre en confiance, le joueur des Reds s'est montré rapidement tranchant. Après l'ouverture du score, la maîtrise fut espagnole. Jusqu'au retour des vestiaires, où les Allemands firent jouer leur puissance. Mais les Espagnols n'ont pas baissé les yeux, à l'image de ce «clash» entre Silva et Podolski (65'), front contre front, ou cette tête de Ramos bien détournée par Lehmann (67'). Le défenseur du Real a ainsi fait oublier une fébrilité qui aurait pu coûter très cher si Klose avait pu en profiter dès la 3e minute. D'ailleurs, hier matin, la presse espagnole était toute colorée de rouge et jaune. «Nous sommes champions !» le cri de joie chanté à gorge déployée par les centaines de milliers d'Espagnols qui ont célébré le sacre dans les rues de tout le pays, lors d'une mémorable nuit de folie, barrait la Une des deux grands quotidiens sportifs AS et Marca. D'énormes photos de la liesse des joueurs de la «Furia Roja» et de leur capitaine et gardien de but Iker Casillas soulevant la Coupe Henri-Delaunay envahissaient toutes les premières pages de journaux, y compris de la presse économique.