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Frantz Fanon : domination coloniale et habitus associés à la condition du colonisé
Réflexion sur les lectures de l'œuvre fanonienne
Publié dans La Tribune le 16 - 07 - 2009

Cette réflexion m'a été inspirée de la lecture des deux articles de M. Mohamed Bouhamidi sur F. Fanon (Cf. la Tribune, 25-06-2009 et 02-07-2009), pour autant qu'ils s'inscrivent dans le champ d'une confrontation théorique (philosophique, sociologique, psychiatrique, etc.) dont la récupération de F. Fanon est l'enjeu politique.
Ces deux écrits se prêtent à deux lectures différentes, néanmoins fortement amarrées l'une à l'autre :- Une lecture qui ne prend en considération que l'objet énoncé par l'auteur ; ce qu'il se donne expressément pour objet de son discours : l'actualité de la pensée de F. Fanon.- Une lecture symptomatique, qui cible ce que l'auteur dit en ne disant pas. En effet, entre les lignes, M. Bouhamidi fait la critique de l'appréciation négative que les communistes algériens (le PCA et le PAGS) ont usinée et entretenue à l'endroit des thèses formulées par F. Fanon sur le rôle révolutionnaire de la paysannerie pauvre dans les pays
coloniaux et la violence rédemptrice des colonisés.
Nous aborderons ces deux paliers séparément, pour nous enquérir, dans un deuxième moment, de la problématique de leur cohérence, que nous énonçons, à titre de conclusion, sans prémisses, dans les termes suivants : la colonisation est fondamentalement une entreprise exterminatrice, vu qu'elle est une
négation de l'Etre du colonisé, et qu'elle institue, à ce titre, un rapport de domination, que seule la violence des dominés peut détruire, sans pour autant résorber totalement ses résonances dans leur conscience.
A travers ses deux articles sur Fanon, M. Bouhamidi énonce trois thèses :
1/ En Algérie, l'œuvre de F. Fanon fait l'objet d'une conspiration du silence concertée de la part de tous les courants politiques.
2/ C'est le colon qui fait le colonisé comme l'antisémite fait le juif, ainsi que le Blanc fait le nègre.
3/ Dans le contexte de domination coloniale, la lutte de classes n'est qu'un segment spécifique de la lutte de la classe mondiale.
C'est la seconde thèse qui s'impose comme le paradigme fanonien par excellence. Cette thèse est celle de Hegel qui, dans la deuxième Leçon d'Iéna, définit l'amour comme étant «le connaître qui se connaît dans l'autre» et, de ce fait comme procédant d'une dialectique de l'interaction. «Chacun est le même que l'autre dans ce en quoi il est opposé à lui. Se distinguer de l'autre, c'est donc pour lui se poser comme le même que l'autre et c'est précisémentlà un connaître en cela […] que son opposition lui apparaît tourner à l'identité pour lui-même, autrement dit qu'il se sait être lui-même dans cette façon de se regarder en l'autre» (Cf. G. W. F. Hegel, la Philosophie de l'Esprit d'Iéna, trad. de Jennenser Real -philosphie, Säntlichte Werke, 1973, p. 172).
Parce que la colonisation est une entreprise de négation de l'Etre du colonisé, l'affirmation de soi de ce dernier consistera en une opération -longue, lente et douloureuse- qui ne pouvait se cristalliser qu'à partir d'une opposition radicale à l'auteur de son déni (le colon) et d'une discrimination fondamentale par rapport à lui.
Le colonisé se nie en tant que tel, dans la négation de l'image que le colon se fait de lui.
Le colonialisme est une négation de l'Etre du colonisé, pour au moins deux raisons. D'abord, parce qu'il transforme le colonisé en «sujet écrasé d'innessentialités». Ensuite, parce que «le colonialisme ne se satisfait pas d'enserrer les peuples dans ses mailles, de vider le cerveau du colonisé de toute forme et de tout contenu. Par une sorte de perversion de la logique, il s'oriente vers le passé du peuple opprimé, le distord, le défigure, l'anéantit.
Cette entreprise de dévalorisation de l'histoire d'avant la colonisation prend aujourd'hui sa signification dialectique», (In les Damnés de la terre, Maspero, 1968, p.144). Ecrasé d'innessentialités au présent, aboli au passé, le colonisé est requis de rétorquer à l'Autre, qui allègue l'arracher à la préhistoire, donc à la barbarie, à la sauvagerie, bref à la nuit et au néant. Dos au mur et désarmé, le colonisé va répondre, mais sa réponse, nous dit Fanon, n'est pas «spécifiquement nationale» et s'inscrit «logiquement dans la même perspective que celle du colonialisme» (Ibid., p.145).
En effet, le colonisé va situer son combat sur le plan de la légitimité, qui veut apporter la preuve tangible de sa «positivité historique» ; ce combat il le livrera à l'échelle du continent (pour l'Afrique subsaharienne) ou de la civilisation (pour l'Afrique du Nord). «En Afrique, la démarche […] est une démarche négro-africaine ou arabo-musulmane. Elle n'est pas spécifiquement nationale» (Ibid., pp. 149-150). Le colonisé ne se définit pas en soi, mais par rapport (opposition) à l'Autre ; il ne se définit guère davantage par soi, mais par sa projection, avec d'autres «Autres», sur l'écran d'une civilisation ou d'un continent. Il fabrique ainsi, avec les moyens à sa disposition, et au prix d'un effort pénible et douloureux, une identité de combat, «passionnellement incandescente», et qui sangle la société colonisée dans le fourreau de la nation, qu'il dilue, à son tour, dans le soluté (religieux et/ou ethnolinguistique) d'une entité supranationale.
Autant la colonisation est une œuvre inhumaine, autant la décolonisation est une entreprise qui exige une volonté surhumaine. En effet, si la conscience nationale a permis d'inventer et de délivrer la nation de l'emprise coloniale, elle en a entériné les prémisses (le découpage colonial, le modèle de l'Etat-nation, etc.) et s'est inscrite, par simple renversement, dans sa logique négatrice.
Aussi demeure-t-elle rivée sur le moment de la «négation de la négation», qui n'est pas encore une «affirmation». S'affirmer par simple opposition à l'«Autre», c'est seulement récuser cet «Autre», tout en se spécifiant par rapport au regard qu'il nous porte ;
on demeure alors, forcément, assujetti à lui : indépendant de corps, mais colonisé d'esprit. M. Bouhamidi a raison ; Fanon est toujours, sous nos cieux,
d'actualité, et il le demeurera tant que notre conscience nationale reste prisonnière dans ce face-à-face meurtrier avec le fantôme de l'ancienne puissance coloniale.
L. B.
* Sociologue et auteur de plusieurs ouvrages sur le terrorisme et la violence.


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