Les concerts se suivent, battant un record de qualité peut-être jamais enregistré et cela grâce à la tenue du Festival de jazz africain à l'auditorium de la radio. Accueillant de grands noms de ce style, il a offert à ses visiteurs des moments de délice inoubliables. Vendredi dernier, c'était au tour du groupe égyptien Eftekasat. Jazz, rock, reggae et musique orientale, un exquis melting-pot au menu. L'animatrice monte sur scène et annonce le groupe venu d'«Oum edounia», dira–t-elle. Le public, dont la majorité n'a jamais entendu parler de ce groupe, est sceptique, curieux et c'est là que réside toute la magie du spectacle. Les six musiciens rejoignent la scène et entament directement le titre Rosava Dolina du répertoire portugais. Le groupe marque une halte, salue le public charmé par son entrée. Amro Saleh, l'excellent pianiste et leader du groupe, en profite pour présenter la formation. «Nous avons tant attendu ce moment. Notre joie est immense», dira-t-il avant de lancer «et cela vient du cœur». Taquin, drôle et modeste, Saleh prend quand même la peine d'expliquer le nom du groupe. «Cela n'est pas de l'arabe classique, c'est un mot en dialecte égyptien qui veut dire innovation, Ce n'est donc pas la peine de le chercher dans le dictionnaire», expliquera-t-il. Il parlera également de leur parcours et de leur carrière qui a démarré en 2005. «Nous essayons de faire de la world music. Nous tentons de rassembler plusieurs styles et de rapprocher les cultures», dira-t-il. Et à écouter le petit échantillon que le groupe présentera, c'est un pari réussi. En effet, avec le jazz comme base, les membres d'Eftekasat n'hésitent pas à varier les sonorités, et la preuve n'est autre que le titre Mouled Sidi Latini. Le morceau sonne très latino mais la flûte apporte son grain de sel avec une touche orientale qui comblera le public. Il faut souligner que la musique du groupe tourne autour de l'incroyable Mohamed Faradj qui enchante avec sa flûte en roseau. On déplorera l'absence de Mohamad Medhat, l'autre marque de référence d'Eftekasat, un violoniste de génie qui n'était pas de la partie ce soir. Le groupe fait exploser l'audimat. Le public conquis en redemande. C'est avec un second morceau, Nekriz Necrosis, extrait de leur album sorti en 2006, qu'Eftekasat lui répond. De l'autre côté, Cherif Watson, le guitariste, entame un solo avec guitare saturée, un son monstre s'échappe et certifie le cachet rock du groupe. Il cédera ensuite la place à Henry Bedair, le batteur, qui s'abat sur ses grosses caisses avec une grande énergie. Les titres se succèdent et les spectateurs restent figés. On citera Yasmine de leur prochain album qui sortira en octobre 2009. Amro, le pianiste, profite d'un petit moment de répit pour annoncer un morceau qui tient à cœur au groupe, la Belle Algérie, composé il y a sept ans après sa 1re visite en Algérie. «J'étais émerveillé par la beauté de ce pays, je me suis dit que toute la beauté de la création du bon Dieu était sur cette terre» dira-t-il avec plein d'émotion avant de le dédier à l'icône de la musique chaabie el hadj El Anka. La composition est sublime, une improvisation au piano dans laquelle il glisse le classique Chahlet Laayani. Deux heures se sont déjà écoulées, les musiciens du groupe remercient le public avant de le surprendre avec le titre Anxious Dance. Cette composition, qui s'inscrit dans le genre rock alternatif, s'achève avec un remarquable duo clavier-batterie. Les spectateurs, surpris ne savent plus quoi penser. Mais ils apprécient, et le disent. Eftekasat, bien que la carrière de ses musiciens n'en soit qu'à ses débuts, est un nom prometteur. Un savoureux mélange de sons, de styles et d'instruments qui ne laisse personne indifférent. S'ajoute à cela l'incroyable modestie des musiciens. Du travail de qualité et de l'audace, tel semble être leur credo. W. S.