Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Pour une fois, les spectateurs qui ont assisté aux soirées du Panaf organisées au théâtre de verdure d'Oran mettent l'accent sur le dépaysement artistique et la qualité des spectacles donnés et oublient d'évoquer les sempiternels couacs organisationnels : «Bien que la programmation ait été respectée, l'organisation a presque été désastreuse au début, témoignent plusieurs journalistes qui ont eu à couvrir l'événement. Heureusement que les artistes qui se sont produits ont réussi à sauver la mise.» Des artistes, dont certains ont mené le public oranais jusqu'au fin fond de l'Afrique noire, pour lui conter l'histoire de cette terre qui ne cesse de lutter pour survivre dans un monde qui ne reconnaît plus les siens. Il y a eu Salif Keita (sans doute l'artiste albinos le plus connu d'Afrique, appartenant à une famille de princes et descendant direct du fondateur de l'empire du Mali), le groupe ivoirien Magic System, le Congolais Ray Lema, le Guinéen Mory Kante, le Nigérian Ebong Bassey, l'Afro-Américain Big Ali et de nombreuses troupes de danse africaines : «Cela a été un véritable enchantement pour les yeux et pour les oreilles, affirme Mourad avec enthousiasme, malgré ses cinquante ans largement entamés. Une opportunité que je n'aurais pas ratée pour tout l'or du monde. Même si l'organisation a souvent été défaillante, je trouve que le Panaf a quand même été une réussite. J'ai apprécié les sonorités et danses africaines et adoré le rap de Lotfi Double Canon qui a mis le feu au théâtre.» Lotfi Double Canon qui compte parmi les chanteurs de rap algériens les plus appréciés du public jeune a, effectivement, mis le feu aux poudres : avec ses Koulch machi, Dir el-Koustim yal kafi, Yal bhar gata'ni, Bled Miki, Kamikaze et Cannibale, il a mis du baume au cœur d'une jeunesse qui continue toujours de souffrir du chômage, de la corruption et de la bureaucratie : «J'adore ce mec, insiste Mohamed, ado de 14 ans. Il dit des choses et il les dit avec un talent fou.» Et vu la communion que LDC a réussi à établir avec le public, il est évident que de très nombreux Oranais, et non pas seulement des jeunes, partagent le point de vue de Mohamed. Pendant ce festival, les Oranais ont également pu renouer avec la chanson kabyle, notamment avec Lounis Aït Menguellet. Venant de Sidi Bel Abbès où il a dû faire face à une organisation catastrophique, le chantre a animé une longue soirée au grand plaisir de fans venus en très grand nombre, dont certains d'autres wilayas de l'Ouest, écouter Ayarach negh, Lezzayer, Tamourth negh, JSK… «C'est toujours un bonheur d'assister à ses concerts, sourit Messaoud, grand admirateur devant l'Eternel. Plus qu'un chanteur, c'est un aède à la poésie inégalable dont la portée peut parfois dépasser l'entendement de la majorité.» En tout état de cause, le public oranais -qui a également assisté dimanche dernier à une clôture animée par le «petit prince du raï», le Français Faudel- a été gâté et le reconnaît aisément : «Si seulement de telles soirées pouvaient se rééditer, espère Mourad, notre quinquagénaire. Avec ce festival, nous savons désormais que la chanson africaine a son public et qu'Oran a les moyens d'abriter ce genre de manifestation. Et selon la presse, les artistes eux-mêmes ne demandent qu'à se produire dans les différents pays africains. Pourquoi alors ne pas organiser des festivals et des galas de la musique africaine ?» En effet, qu'est-ce qui pourrait interdire pareille initiative si tous ces éléments sont réunis ?