Photo : Medjahdi Le Dr Smahi Chems Eddine, pédiatre au niveau du CHU de Tlemcen, enseignant universitaire et auteur de plusieurs publications, notamment sur les hépatites virales chez l'enfant, l'insuffisance rénale en période néonatale, est également membre de la Société algérienne des pédiatres. Les cardiopathies congénitales sont des affections relativement fréquentes. Leur fréquence approximative à la naissance est de 8 pour 1 000 naissances. Dans 80% des cas, l'étiologie des cardiopathies congénitales n'est pas connue. Cependant, on relève des cardiopathies congénitales dues à des problèmes génétiques dans 8 à 10% des cas, notamment les aberrations chromosomiques, les causes exogènes avec la rubéole, l'éthylisme maternel et les médicaments qui sont à l'origine d'embryo-foetopathies, etc. L'incidence des malformations cardiaques reste à déterminer en Algérie. Elle varie entre 5 et 8 pour 1 000 naissances. L'expérience clinique montre que la fréquence des cardiopathies congénitales est plus élevée dans les communautés à fort taux de consanguinité. La grande diversité des formes anatomiques des cardiopathies congénitales explique la multiplicité des gestes chirurgicaux, allant de la cure complète à l'intervention palliative. En définitive, la qualité du résultat de tout traitement chirurgical dépend de la précocité du diagnostic et de la forme anatomique. Les objectifs sont le dépistage précoce des malformations, la réduction de la mortalité, l'implantation de nouvelles techniques chirurgicales et l'adoption d'une stratégie de prise en charge thérapeutique.
Entretien réalisé par notre correspondant à Tlemcen Mohammed Medjahdi LA TRIBUNE : Pouvez-vous nous dire ce que sont les maladies congénitales ? Dr Smahi Chems Eddine : Ces maladies ont toujours existé. Les cardiopathies congénitales sont des affections fréquentes. Leur prévalence à la naissance est approximativement de 8 pour 1000 naissances. Cette prévalence décroît ensuite avec l'âge car certains enfants, de moins en moins nombreux de nos jours, sont porteurs de cardiopathies inopérables. A l'inverse, certaines anomalies mineures présentes à la naissance vont rapidement disparaître spontanément (exemple les petits canaux artériels et les communications interventriculaires du nouveau-né). On distingue une cause embryopathie, des cas secondaires comme la toxoplasmose et la rubéole. Le terme «cardiopathies congénitales» regroupe un éventail de malformations du cœur et des grands vaisseaux, congénital signifie prédisposé à la naissance. Ces malformations sont dues à une anomalie lors de la formation du cœur et des grands vaisseaux durant les 8 premières semaines de la grossesse. Dans la plupart des cas, la cause des malformations est inconnue. Certaines maladies survenant au début de la grossesse comme la rubéole (susceptible d'être prévenue par la vaccination), certains médicaments, l'alcool, l'usage de drogues illicites et le diabète peuvent augmenter le risque de malformations congénitales du cœur. Les cardiopathies malformatives sont également plus fréquentes dans la trisomie 21 et le syndrome de Turner. Aujourd'hui, la plupart de ces malformations sont diagnostiquées avant la naissance ou juste après la naissance. Cependant, certaines de ces malformations ne sont diagnostiquées que pendant l'enfance ou même à l'âge adulte. Est-il possible d'éviter que l'enfant naisse avec ces malformations ? Tout ce que je peux dire, c'est que nous procédons au suivi de la femme enceinte, et que la plupart de ces malformations sont diagnostiquées avant la naissance, ou juste après. Le diagnostic d'une malformation cardiaque congénitale significative peut être posé de façon certaine entre 12 et 16 semaines de gestation. Pour être clair, il est à noter que, malgré tous les efforts pour améliorer la prise en charge des nouveau-nés avec cardiopathies, l'annonce d'un diagnostic prénatal de cardiopathie congénitale reste une situation forte en émotions et complexe pour les parents. Où en sont ces maladies à Tlemcen ? Du 1er janvier 2006 au 31 juillet 2007, nous avons enregistré 41 cas, qui ont été hospitalisés et ce sur les 2 875 hospitalisations durant cette même période, soit un taux de 1,16% des cardiopathies congénitales hospitalisées. Ce qui pose problème étant le diagnostic morphologique des nouveau-nés difficilement transportables. Le second problème concerne le traitement qui repose sur des médicaments introuvables sur le marché comme «les prostaglandines» et, surtout, le manque de moyen pour effectuer les interventions chirurgicales. Cela veut-il dire qu'il y a eu des pertes humaines ? Un bon nombre de nouveau-nés sont décédés, soit un taux de 12%. Or, je ne peux vous confirmer si c'est à cause du manque de moyens et de médicaments, ou pour autre chose. Ce que je peux affirmer est que, si nous avions entre les mains tous les moyens nécessaires, nous aurions pu limiter les dégâts. Dans ce sillage, j'ai précisé que des évacuations se font sur la clinique de Bousamaïl, et d'autres à l'étranger, notamment en Belgique et en Ecosse. Comment se fait la prise en charge des enfants qui en souffrent ? La prise en charge de ces maladies est excessivement chère mais une bonne politique dans ce sens permettra de remédier à cette situation et les malades pourront être pris en charge chez nous. Il s'agit juste d'une histoire de matériel et de médicament. Dans ce sillage, je vous signale qu'à plusieurs reprises, nous avons fait appel à des médecins d'Oran, à l'exemple du Pr Sid Ahmed Fawzi Bendaoud, et au cardiologue Dali Youssef Abdessami. Pourquoi donc ? Sachez qu'en 2007, plus de 1 200 hospitalisations ont été enregistrées au niveau du service néonatal. Un chiffre effarant, surtout que nous enregistrons un déficit en matière de lits. Nos responsables ont appelé à la réalisation d'un hôpital pédiatrique à Tlemcen et, pourquoi pas, d'un centre spécialisé de prise en charge des cardiopathies congénitales. Peut-on savoir comment sont classées ces cardiopathies congénitales ? Il existe des cardiopathies non cyanogènes et des cardiopathies cyanogènes. Les shunts gauche-droite en raison du régime de pressions plus élevé dans la grande circulation que dans la petite, un défaut de cloisonnement du cœur ou la persistance d'une communication anormale entre cavités gauches et droites suffit à la création d'un shunt gauche-droite (le sang passant toujours de la cavité à haute pression gauche vers la cavité à basse pression droite).Il peut s'agir d'une communication interauriculaire ou interatriale, ou CIA étage atrial, d'une communication interventriculaire ou CIV étage ventriculaire, de la persistance du canal artériel (PCA) étage des gros vaisseaux. Les autres shunts sont plus rares, canal atrio-ventriculaire, retour veineux pulmonaire anormal dans les cavités droites. Le shunt gauche-droite entraînera un apport supplémentaire de sang dans la circulation pulmonaire. Il y a donc augmentation du débit pulmonaire, d'autant plus importante que la communication est plus large. S'il est important, cet hyper débit peut s'accompagner d'une hypertension artérielle pulmonaire ou HTAP. L'hyper débit et l'HTAP sont responsables de la défaillance cardiaque fréquemment observée dans les CIV ou les autres shunts larges au cours de la première année de vie. Quelles sont les mesures thérapeutiques générales ? Le traitement de la malformation est chirurgical. Il peut être palliatif ou curatif. La plupart des malformations, lorsque cela est possible, sont opérées avant l'âge de 4 ou 5 ans. L'intervention se fait à cœur fermé ou à cœur ouvert. Les interventions correctrices ont pour but de rétablir une physiologie cardiaque normale. Pour pouvoir opérer à l'intérieur du cœur, il faut le vider de son sang et arrêter ses battements. Les chirurgiens utilisent un cœur-poumon artificiel qui établit une «circulation extra-corporelle ou CEC». La tendance actuelle est à la correction d'emblée quel que soit l'âge lorsque la malformation est décompensée. Les enfants atteints d'une cardiopathie congénitale simple sont le plus souvent opérés en Algérie (clinique de Bousmaïl, Alger), alors que ceux qui présentent des cardiopathies congénitales complexes sont transférés à l'étranger. La défaillance cardiaque et les infections sont traitées médicalement. Les activités physiques spontanées du jeune enfant ne doivent pas être freinées. Chez l'enfant plus âgé, il est préférable d'interdire les sports de compétition en cas de sténose aortique ou pulmonaire. Le programme de vaccination est celui de tous les enfants. Les infections des voies respiratoires sont plus fréquentes chez les enfants porteurs de shunt et ont tendance à se compliquer (défaillance cardio-respiratoire). Elles doivent être traitées énergiquement dès le début. La prévention de l'endocardite bactérienne d'Osler (greffe bactérienne) est impérative. Il faut administrer aux enfants porteurs de cardiopathies congénitales des antibiotiques à l'occasion de toute extraction dentaire et de toute intervention chirurgicale mineure ou majeure. Cette prévention doit être poursuivie même après correction chirurgicale d'une cardiopathie (sauf en cas de CIA fermée par suture directe ou de canal artériel ligaturé). Et pour conclure ? Nous pensons que la prise en charge de ces affections, en milieu pédiatrique disposant d'un plateau technique adéquat et de compétences chirurgicales, doit être une solution d'attente à la construction d'un nombre suffisant de centres de chirurgie cardio-vasculaire pédiatrique. L'Etat doit donc penser à mettre le paquet dans ce volet.