De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «On dira ce qu'on voudra, les spéculateurs n'en feront qu'à leur tête et continueront à réguler eux-mêmes le marché aux lieu et place des autorités. C'est dur à dire mais c'est ainsi : l'Etat est dramatiquement absent.» C'est, en substance, ce que déplorent les consommateurs oranais qui ont de plus en plus de raisons de douter de l'efficacité des instruments de contrôle de la qualité et des prix des produits de consommation. «Le prix de la viande rouge flirte avec les 1 000 dinars le kilogramme, celui du poulet est de 350 DA ; ceux des fruits et légumes commencent leur ascension alors que nous sommes à 12 jours du Ramadhan. N'est-ce pas là la preuve que l'Etat ne contrôle rien ?» s'interroge Rachid, halluciné que l'on puisse, une seconde, croire à l'efficience des services de contrôle de l'Etat : «Lorsqu'on décide unilatéralement, et à quelques jours seulement du Ramadhan, d'augmenter les prix de la farine et de l'huile ou celui des cartes de recharge de téléphonie mobile, il ne faut pas s'attendre à une compréhension de la part des commerçants.» Cette absence de confiance dans les services chargés de réguler le marché des fruits et légumes trouve son explication dans les prix déjà affichés par les détaillants des divers souks mais aussi dans le souvenir cuisant de la mercuriale des précédents Ramadhans qu'aucune «mesure ferme du gouvernement» n'a réussi à rendre plus abordable aux petites et moyennes bourses : «Depuis qu'elle a atteint 100 DA le kilogramme il y a deux ou trois ans, on veut nous faire croire qu'à 35 DA, la pomme de terre n'est pas chère. Même à 25 ou 30 DA, elle reste encore coûteuse pour un pays comme l'Algérie», estime Abdelkader, enseignant et père de trois enfants. Aujourd'hui, sur les marchés oranais, la pomme de terre oscille entre 40 et 50 DA le kilo (en attendant, prévoient des connaisseurs, qu'elle atteigne les 60 à 70 DA pendant le mois de Ramadhan), la tomate est déjà proposée à 80 DA le kilogramme, le poivron et la carotte à 40 et 50 DA…, soit des prix qui n'augurent rien de bon pour les petites bourses : «Pourtant, la totalité des dettes des agriculteurs a été effacée sur décision présidentielle en mars dernier [des dettes évaluées à 41 milliards de dinars, ndlr]. Pourquoi alors les prix ne baissent-ils toujours pas ?» se demandent des consommateurs qui ne comprennent pas que, par son absence sur le terrain, l'Etat autorise les spéculateurs de tous bords à imposer leur diktat : «Nous savons que de puissants opérateurs ont déjà constitué leurs réserves en pomme de terre, qu'ils ressortiront certainement lorsque la demande augmentera et qu'ils pourront imposer leurs prix.» Au milieu de cette atmosphère frisant la paranoïa collective, les services de contrôle du ministère du Commerce brillent par leur absence tout comme les associations de protection du consommateur qui ne font parler d'elles qu'à l'occasion de manifestations économiques officielles. Pour l'un comme pour l'autre, c'est le manque cruel de moyens humains et matériels qui handicape tout travail de défense et de sauvegarde du droit des consommateurs. Sauf que les associations œuvrent dans le cadre du bénévolat alors que les services de contrôle sont rémunérés… avec les deniers publics. Soit l'argent des consommateurs.