Synthèse de Sihem Ammour Jusqu'au 4 septembre prochain, El Bahia ravive l'œuvre du défunt Abdelkader Alloula, le talentueux et populaire dramaturge algérien fauché par des balles assassines alors qu'il se rendait au théâtre d'Oran, le jeudi 10 mars, 27ème jour du Ramadhan de l'année 1994. Près de quinze ans après, Alloula, metteur en scène mais également brillant interprète, illuminera de son verbe et de ses dires non plus les planches mais le grand écran de la cinémathèque algérienne d'Oran grâce à son talent fixé éternellement sur la pellicule. En effet, samedi dernier, la fondation «Abdelkader Alloula», en partenariat avec la salle de répertoire d'Oran, a lancé le cycle de projections quotidiennes des plus belles œuvres du défunt dramaturge. Homk Salim, adapté d'un Journal d'un fou de Gogol par Alloula en 1972, est la première œuvre à être présentée sur grand écran au nombreux public venu rendre hommage à celui qui savait si bien interpeller le peuple avec son propre langage sur des sujets aussi épineux que la politique ou la bureaucratie. A propos de cette œuvre exceptionnelle d'où jaillit tout le talent du dramaturge, un critique théâtral algérien avait écrit : «Alloula réécrit le Journal d'un fou, en le trempant dans l'imaginaire algérien par le rythme du jeu, la fluidité de la langue, le sarcasme oranais, la métaphore fleurie au jasmin, le geste algérois… et, seul sur scène, accomplit le miracle d'incarner un monde algérien comme Gogol rendait visible le monde russe du XIXe siècle. Il avait compris que chaque être, même acculé aux dernières limites de la folie et de la détresse, garde une puissance de liberté en un lieu que le fer de la censure et de la répression ne peut atteindre. Ce lieu, des utopies possibles et impossibles, du rêve amoureux et de l'espérance, est enfoui au plus lointain de la conscience humaine.» Pour les amateurs du quatrième art ou tout simplement pour les amoureux du grand talent de l'interprète et du conteur Abdelkader Alloula, il est également prévu la projection de la célèbre trilogie : El Agoual (les Dires), El Ajouad (les Généreux), Elithem (le Voile) qui a remis sur le devant de la scène le personnage du Goual et la force du «dire» en langue dialectale pour toucher les consciences des masses, dévoilant le totalitarisme obscur des dirigeants, le tout enrobé généreusement d'un humour croquant. Lors de ce coup d'envoi, Radja Alloula, présidente de cette fondation en l'honneur de son défunt mari, a déclaré à l'APS : «Nous sommes en train de réaliser un centre de documentation et d'archives théâtrales destiné à réunir un fonds documentaire de feu Abdelkader Alloula, composé de photos, de pièces théâtrales, d'articles de presse, d'une vidéothèque et d'autres archives.» Crevant l'écran, Alloula, au-delà de la mort, du sang et des larmes, réussira certainement encore à faire sourire les spectateurs qui seront présents lors des soirées ramadhanesques 2009 pour assister à d'autres projections de ces pièces intemporelles à l'instar des pièces : Laaleg (les Sangsues), Hammam Rabi, El khobza, et Arlequin, valet de deux maîtres. Ainsi, ce Ramadhan oranais se distinguera par le bonheur d'écouter, de voir, de savourer le talent de l'éternel goual, de l'inégalable artiste aux multiples talents, Alloula, qui clamait dans la pièce El Agoual : «Les dires, toi qui m'écoutes, sont de différentes sortes, il en est de rapides pour l'injustice.»