De notre correspondant à Constantine A. Lemili à Constantine, il suffirait de prendre les deux clubs de football pour les comparer à la scène du théâtre régional et de plateaux occasionnels de télévision pour faire un implacable constat. Les acteurs sont pratiquement les mêmes. Autrement dit, ce sont les mêmes têtes qui se recyclent à mesure que passe le temps et si ce ne sont plus les mêmes… atteints par la limite d'âge, ce sont souvent leurs proches. Ce qui devient une affaire de famille. Donc, pour avoir de nouvelles «gueules» comme il est qualifié dans le jargon, il n'est pas évident de voir l'émergence de talents naturels au sens strict et encore moins d'en voir déboucher d'une école de formation dans la mesure où il n'en existe pas non plus. Bien entendu, il ne s'agit pas seulement de raréfaction de comédiens au sens théâtral ou acteurs au sens de la télévision ou du cinéma mais de tout ce qui fait leur essence même et l'industrie qui tourne autour. Dans la ville des Ponts, de génération en génération, les Constantinois n'ont encore en mémoire que Allaoua Zermani, Bechkri, Benzerari, Dekkar… Djamel, incomparable comédien et non Hakim, son frère, lequel, comble du paradoxe, a profité de l'indigence et de la misère culturelles qui prévalent depuis plus de vingt ans pour occuper la scène, au même titre que bien d'autres d'ailleurs, et briller sous les lampions. La télévision comme le théâtre régional ont de tout temps fonctionné et ce, dans tous leurs compartiments, au faciès et l'avenant, d'où la médiocrité ambiante qui s'en dégage. Le cinéma est donc, d'autorité, évacué d'une cité qui souffre de beaucoup d'insuffisances sur tous les plans pour être finalement évoqué. Les quelques séquences de récentes réalisations n'y ont été tournées que parce que la trame du filml'exigeait, en ce sens que le ou les héros de l'histoire ont, à un moment ou à un autre, eu une relation avec la ville de Ben Badis. Si la capitale dispose de son école d'art dramatique et sans doute de quelques compagnies théâtrales qui, bon an mal an, essaient de former une relève ou parviennent, du moins, à exploiter les dons de quelques apprentis comédiens en puissance, il n'en est pas de même à Constantine. Ce ne sera pas, faute d'avoir essayé pourtant, pour quelques militants de l'art, notamment ceux de Mesrah El Belliri, lesquels, il y a quelques années, avaient «osé» créer une école pour les enfants qui, toutefois, n'a pas fait long feu malgré l'engouement de beaucoup de parents et, surtout, des prédispositions recensées chez certains élèves. Mais, dans la mesure où les pouvoirs publics se désintéressent d'un cahier des charges qui est de leur responsabilité, qu'est-ce qui ferait courir alors des gens de l'art qui sont plus peinards à attendre la fin de mois en leur qualité de fonctionnaires et quand de bonnes volontés sont rabrouées pour diverses raisons dont l'inertie, la bureaucratie, l'ignorance et la malveillance d'intérêts remis en cause. Alors, un cours Florent ou un Actors Studio à Constantine ou le plus nase des ersatz… mieux vaut ne pas y rêver. La devise des «copains d'abord» mais aussi des promotions canapé gardent intact l'art d'entretenir des équilibres et surtout des illusions. Pour l'anecdote, nous gardons le souvenir d'un Constantinois qui, durant toute sa vie, a tenté d'obtenir la reconnaissance de ses pairs. Il s'agit, en l'occurrence, de feu Sabou Ramdane. Le défunt valait ce qu'il valait sur le plan artistique mais il n'en est pas moins certain qu'il a, à jamais, été tenu sciemment éloigné des scènes par des comédiens officiels auxquels il pouvait faire de l'ombre. Sabou Ramdane s'est suicidé… pour une tout autre raison évidemment. Mais quand un comédien se suicide et plus encore quand il a vocation de comique (rôle dans lequel il excellait), il y a des raisons de se poser des questions sur l'ambiance dans ce milieu.