«Le secteur du textile s'est anéanti au fur et à mesure que l'économie algérienne se libéralisait.» Tel est le constat d'un expert industriel. Si cette industrie a effectivement subi le même sort que les autres secteurs, sa descente aux enfers s'est malheureusement effectuée en silence. Car, de l'avis des spécialistes, alors que les licenciements et la fermeture d'unités se sont succédé dans l'indifférence générale, seuls quelques soubresauts périodiques ponctués par la tenue de séminaires, de plus en plus espacés, ont voulu attirer l'attention des autorités pour recueillir encore une fois, leurs appuis et soutiens. «Mais en vain !» ajoutent les mêmes sources. Les entreprises ayant survécu sont fortement déstructurées et endettées. Les chiffres parlent d'eux mêmes. En effet, la régression de cette activité a conduit à un recul de l'industrie nationale en termes de parts de marché et d'emploi. Les parts de marché de l'industrie nationale estimées à 47%, dont moins de 10% pour le secteur public, reculent fortement en volume malgré un marché de consommation important évalué à environ 95 000 milliards de dinars. Sur les 80 entreprises publiques, la capacité de production oscille entre 20 et 25 millions de mètres linéaires/an, alors que la demande globale est évaluée à 200 millions de mètres linéaires/an. Sur le plan social, c'est l'hécatombe. Le secteur a perdu pas moins de 80 000 emplois en 20 ans. En somme, malgré les restructurations successives, cette activité est toujours en crise. Les chiffres alarmants de l'ONS Les analyses des experts et spécialistes en la matière, ainsi que les chiffres rendus publics donnent le vertige. Jadis connue pour être l'un des secteurs phares de notre industrie, l'activité du textile et du cuir est au plus bas en termes de performances. Faut-il alors parler d'un secteur moribond ? Affirmatif, soutiennent certains cadres et gestionnaires des entreprises spécialisées dans le domaine. Les arguments mis en avant ont tous trait à la gestion et la performance commerciale des entreprises. Ces derniers se sont exprimés, il y a quelques jours, lors d'une enquête d'opinion réalisée par le biais de l'Office national des statistiques (ONS). Cette enquête, qui a porté sur le type et le rythme de l'activité industrielle et non pas sur les productions, a fait ressortir l'état dans lequel se retrouve actuellement ce secteur. Premier constat : la trésorerie de toutes les entreprises continue à être «mauvaise» pour les textiles en raison des charges élevées, des allongements des délais de recouvrement des créances et du ralentissement de la demande. En conséquence, plus de 85% de ces dernières ont recouru à des crédits bancaires dont plus de 66% ont eu des difficultés à les obtenir. Le deuxième constat est plutôt d'ordre social : Les effectifs ont encore baissé, selon les responsables des deux secteurs. Près de 20% des patrons d'entreprises des textiles et 17% de ceux des cuirs déclarent avoir eu des difficultés à recruter des cadres et des agents de maîtrise. Près de 91% des chefs d'entreprises des cuirs déclarent pouvoir produire plus en embauchant du personnel. Plus de 7% du potentiel de production des textiles a connu des arrêts de travail inférieurs à 12 jours pour raison de conflits sociaux. «En raison essentiellement de la vétusté des équipements, plus de 52% du potentiel de production des textiles ont connu des pannes d'équipement, causant des arrêts de travail inférieurs à 13 jours», ajoute l'ONS. Maintenant, la question récurrente qui se pose et qui reste entière a trait aux causes. Les spécialistes ayant commenté les derniers chiffres de l'ONS ont mis en exergue certains facteurs censés être derrière la léthargie de l'industrie du textile. Il s'agit, entre autres, de l'ouverture du marché mondial du textile, à compter de 2005, qui a frappé de plein fouet des entreprises algériennes publiques et privées incapables de résister à la déferlante asiatique. La signature de l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE a entraîné une levée des dernières barrières sur les quotas d'exportation. Résultat des courses : les entreprises algériennes (étatiques et privées), se sont vues désarmées, et se retrouvent, de facto, incapables d'abaisser leurs coûts de production au niveau de ceux des entreprises chinoises. La contrefaçon qui touche toutes les gammes de produits, ainsi que la concurrence déloyale du commerce informel, sont également les autres facteurs ayant mis à genoux ce secteur. Quelles perspective pour un secteur moribond ? Quelles pourraient être les perspectives d'un secteur dévitalisé par tant d`hémorragies et qui ne finit pas de payer sa croissance artificielle, loin des enseignements du marché ? Le secteur possède-t-il encore le ressort et l'énergie nécessaires pour affronter un marché local volatil qui se venge de tant d'années d'insatisfaction et de non- prise en compte de ses besoins ? De l'avis de certains experts, le rétablissement des règles de fonctionnement d'une concurrence saine, autrement dit l'assainissement du marché, devient une condition sine qua non, et ce, pour assurer la pérennité des entreprises mais aussi pour rendre le marché attractif à l'investissement et au partenariat. Les pouvoirs publics, laissent-ils entendre, ont un grand intérêt de mettre de l'ordre dans ce secteur notamment en ce qui concerne l'importation de friperie, l'exportation des peaux brutes et aussi pour rétablir les règles de la concurrence. Toutes ces suggestions sont-elles réalisables ? Oui, espère M. Benziadi, cadre dirigeant au groupe Texmaco (24 filiales activant dans différents domaine : filature, tissage, finissage). «Aujourd'hui, grâce aux dernières mesures décidées par les pouvoirs publics, donnant une préférence aux produits nationaux avec la mise en place d'éléments de protection et d'incitation pour et vers la production nationale, nous sommes optimistes pour la relance de ce secteur», nous a-t-il affirmé. S. B.