Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La grave crise économique qui secoue l'Algérie depuis plus de vingt ans n'a pas épargné les opérateurs économiques privés, même si les entreprises publiques ont été les plus touchées par une série de fermetures qui a mis des centaines de milliers de travailleurs au chômage, entre licenciements, compression d'effectifs, départs volontaires et retraites anticipées. Une crise économique qui a «permis» l'ouverture du marché algérien aux produits étrangers, notamment chinois qui n'ont à aucun moment hésité à investir le marché algérien dans une période où les Occidentaux en étaient à leurs premiers calculs. D'autant plus qu'ils n'avaient aucune chance de concurrencer les Asiatiques en général et les Chinois en particulier qui proposaient des produits à des prix imbattables dans un contexte où la pauvreté s'est développée de façon brutale. Et c'est sans aucune surprise que les entreprises locales ont subi l'invasion des produits chinois restés imbattables. Pendant plusieurs années, les produits chinois, (chaussures et autres articles de confection…), ont dominé le marché national sans partage jusqu'à l'anéantissement de nombreuses petites entreprises privées locales qui n'ont pu résister à la concurrence, qualifiée par beaucoup d'entre elles de déloyale. Aujourd'hui et depuis deux années environ, les choses ont commencé à changer sur le marché, notamment dans la wilaya de Tizi Ouzou où rares sont les commerçants qui proposent les produits chinois qu'on trouve également sur tous les trottoirs de la ville. Avec le temps et une certaine expérience, la population a cessé d'acheter les produits chinois aveuglément pour cette raison évidente de bas prix. C'est que la qualité et la solidité d'un certain nombre de produits en provenance de ce pays asiatique laisse vraiment à désirer et les citoyens en sont devenus conscients à tel point que, dans certains cas, les produits chinois sont carrément boycottés, même si certains articles de confection et/ou de maroquinerie sont réellement de bonne qualité, alors que ce sont plutôt les produits contrefaits qui sont de piètre qualité et même parfois cancérigènes. D'ailleurs, il semble que c'est cette question de nature cancérigène qui a secoué un peu les consommateurs, du moins une partie d'entre eux. Exemple : les vendeurs de chaussures ont enregistré une hausse considérable de demande de produits fabriqués localement. «Il est vrai que beaucoup de gens demandent le produit local aujourd'hui, surtout en période estivale durant laquelle toutes sortes de chaussures légères fabriquées localement (sandales…) sont écoulées facilement sur le marché», dit Rachid, un vendeur de chaussures installé au centre-ville de Tizi Ouzou. Même si les quelques vendeurs interrogés font le même constat, ils précisent certes que les fabricants, qui ont survécu à l'invasion des produits asiatiques ont appris à faire un effort dans la qualité des produits proposés. Le même constat est fait également dans le secteur de l'habillement où les fabricants commencent à acquérir des parts de marché, malgré tous les aléas qui ne leur facilitent pas la tâche. Des aléas qui semblent obliger les concernés à éviter de répondre aux questions des journalistes au point que le seul gérant d'un atelier de confection qui a accepté un entretien a exigé que ce soit sous le couvert de l'anonymat. «C'est pour éviter des représailles par le biais des impôts qui considèrent une interview dans la presse comme un signe que les affaires marchent», a-t-il dit, précisant d'emblée qu'il active dans la légalité totale, contrairement à certains propriétaires d'ateliers qui se sentent contraints d'activer au noir pour échapper à «la main de fer mortelle» des impôts. Un service des impôts qui est l'une des sources de la concurrence déloyale en vigueur sur le marché national dans la mesure où la loi est appliquée dans toute sa rigueur dans la wilaya de Tizi Ouzou, alors que, dans les autres wilayas, les fabricants en particulier et les opérateurs économiques en général, bénéficient de la «clémence» des mêmes services. Mais il est vrai que cette situation s'applique à tous les commerçants de la wilaya, pas uniquement les fabricants. Selon notre interlocuteur, l'Etat a un rôle majeur dans la régulation du marché de la confection et de la maroquinerie pour que la concurrence avec les nationaux et les étrangers devienne loyale, mais aussi et surtout pour aider les petites entreprises locales à fonctionner de façon optimale. Il pointe du doigt le secteur de la formation professionnelle qui ne donne pas beaucoup d'importance à la filière du textile. «Il n'y a pas vraiment de formation selon les besoins du monde du travail. Il n'y a pas d'écoles pour former une main-d'œuvre qualifiée», estime-t-il avant d'aborder la question de la matière première (le tissu) importée à des prix élevés, «ce qui rend difficile voire impossible la concurrence avec les produits finis importés». «Nous sommes à la merci des importateurs de tissu en matière de variété, de quantité et même de qualité», ajoute-t-il non sans suggérer que l'Etat ferait mieux d'aider la Cotonnière de Tizi Ouzou (CTO, ex-Cotitex de Draa Ben Khedda) à sortir de sa grave crise et de faire en sorte que la matière première (le filet) dont ont besoin toutes les entreprises de fabrication de textile, soit réalisée en Algérie. C'est à partir de là que le rapport qualité/prix pourra devenir possible et que la concurrence avec les produits étrangers cessera d'être déloyale, dit-il encore avant de préciser que pour le cas de la Cotonnière de Tizi Ouzou, il ne s'agira pas seulement d'effacer ses dettes comme ça a été le cas pour l'ENIEM ces derniers jours. Et c'est à partir de là aussi que le problème de l'activité informelle pourra trouver une issue. «Vous savez, le jour où les conditions de travail de ceux qui agissent dans la légalité enregistreront une amélioration palpable, ceux qui activent dans l'informel ne vont pas hésiter à nous rejoindre», dira encore notre interlocuteur en guise de conclusion, et ce, après avoir rappelé que son atelier ne fonctionne jamais à plus de 50 % de ses capacités en raison des irrégularités dans le processus de production, dues généralement aux pénuries de matière première ou à différentes conjonctures, comme les intempéries et les émeutes.