La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) interpelle le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en vue de l'éventuelle ratification par l'Algérie du Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale (CPI), après que celle-ci l'eut déjà signé en juillet 1989. Cette interpellation, a travers une lettre qui lui est adressée et qui a été rendue publique jeudi dernier lors de la conférence de presse animée par le président de la LADDH, Me Mustapha Bouchachi, s'inscrit dans le cadre d'une campagne menée par la coalition mondiale pour la CPI. Laquelle coalition, précisons-le, est composée de plus de 2 500 organisations non gouvernementales (ONG) représentant plus de 150 pays et dont les membres sont favorables à la CPI et qui font campagne dans ce sens a travers les Etats concernés. Cette campagne, explique le conférencier, vise un pays chaque mois, l'Algérie étant concernée durant ce mois d'octobre. La LADDH, en tant que membre de cette coalition, invite ainsi le chef de l'Etat à user des dispositions institutionnelles pour passer le cap de la ratification en vue de permettre à notre pays de bénéficier du droit d'y intervenir, tous les pays membres étant mis sur le même pied d'égalité, car en l'absence d'un droit de veto, toutes les voix se valent. D'autres institutions, comme le Parlement algérien et les représentants de la société civile, sont également interpellés sur la question. «Les 101 pays ayant ratifié le Traité de Rome ont le même poids. L'Algérie sera considérée au même titre que la France ou que la Grande-Bretagne», note le conférencier. Et d'ajouter que notre pays a tout intérêt a le faire avant mai 2010, date de la Conférence de révision de la CPI, prévue a Kampala et en perspective de laquelle l'Union africaine (UA) a programmé une réunion du 3 au 6 novembre 2009 a Addis-Abeba. Me Bouchachi abordera, avec insistance, l'importance que revêt une telle cour dans le sens de la défense et du respect des droits de l'Homme, à l'échelle planétaire. «Les violations des droits de l'Homme sont imprescriptibles. Les présidents ne devraient pas penser qu'ils resteront impunis. Le mandat international lancé par la CPI contre l'ex-Président soudanais, Omar El-Bechir, est une bonne chose en ce sens qu'elle a donné à réfléchir aux chefs d'Etat arabes qui, au lieu de s'occuper a défendre El-Bechir, devraient instaurer les mécanismes de respect des droits de l'Homme dans leurs propres pays !». Interpellé sur la politique de «deux poids, deux mesures» que la CPI semble parfois appliquer, selon qu'il s'agisse d'un pays influent ou pas, en faveur des Etats-Unis d'Amérique, en premier lieu, Me Bouchachi a reconnu que «dans toutes les sociétés, les personnes fortes et influentes échappent à la loi, mais cela ne devrait pas être une excuse ou un motif de non-respect de la loi. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de justice. Ce que commettent les Etats-Unis comme injustices dans les pays en développement est de loin moins criminel que ce que font les dirigeants des pays arabes à l'encontre de leurs peuples !». Et de citer le fait que dans les tribunaux algériens, on n'entend jamais parler d'une affaire d'un fils de général qu'il soit jugé pour trafic de drogue ou pour conduite en état d'ébriété. «Il y a une forme de transition dans l'intéressement aux questions liées aux droits de l'Homme», ajoute le président de la LAADH qui argumente ses propos en citant les cas des peuples musulmans qui ne se sont jamais mobilisés pour soutenir la population meurtrie du Sud du Soudan, au Darfour, alors que l'élan de solidarité à l'égard des habitants de Ghaza, lors de la guerre des 21 jours en décembre 2008 a été très important. Cela, regrette-t-il, bien que la guerre au Darfour ait fait au moins 300 000 morts contre près de 2 000 a Ghaza. «Cette différenciation dans la réaction des musulmans s'explique par le fait religieux. Or, il ne devrait pas y avoir de distinction quand il s'agit de respect de la dignité humaine !», s'est exclamé Me Bouchachi. M. C.