De notre envoyé spécial à Paris Hassen Bachir-Cherif Accueilli avec faste hier à Paris, Abdelaziz Bouteflika a rapidement mesuré le décor politique habilement planté par le président hôte de ce sommet pour le lancement du projet de l'union pour la Méditerranée, Nicolas Sarkozy, qui a multiplié les initiatives diplomatiques toute l'année durant, pour accueillir aujourd'hui, dans le cadre imposant du Grand Palais, une bonne quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, ceux des 27 et ceux de tous les autres pays bordant la Méditerranée, aussi bien ceux de la rive nord qui ont vocation à entrer un jour dans l'UE, que ceux de la rive sud, ou même plus lointains comme la Jordanie ou la Mauritanie. En effet, tout auréolé de sa prise de fonction de la présidence de l'Union européenne, où il a fait une entrée tonitruante en prononçant un discours porteur au sein du Parlement européen à Bruxelles, le chef de l'Etat français en «Roi-Soleil» comme le surnomme la chancelière allemande, Angela Merkel, a essayé de baliser, voire de contourner, à quelques heures de l'ouverture de ce sommet, les écueils politiques pouvant entacher sa réussite, au moins pour son lancement, puisque, pour les plus sceptiques, l'UPM est un projet qui a tout d'une coquille vide. «Du multilatéralisme bling-bling», comme ironise un diplomate européen, d'autant que les futurs terrains de coopération –dépollution, sécurité maritime, échanges d'étudiants, luttes contre les incendies de forêts, etc.-, tout comme leur financement, restent vagues. De ce fait, Nicolas Sarkozy a, dans la journée d'hier, organisé un déjeuner avec Hosni Moubarak, co-président du sommet, avant de recevoir son homologue libanais, Michel Sleimane, et, surtout, le président syrien, Bachar Al Assad, en présence de l'émir du Qatar, en tant que président en exercice du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe. Une réunion triangulaire –où aucune information n'a filtré– a regroupé hier le président français, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre israélien, Ehud Olmert. Soit un exercice d'équilibrisme politique à même de démontrer, comme n'a cessé de le marteler l'entourage élyséen, que l'union pour la Méditerranée est «la meilleure nouvelle pour la paix au Proche-Orient». Mais loin de convaincre les pays arabes qui se sont attelés à huis clos à sérier des positions communes pour la déclaration finale dont la mouture en cours de finalisation ne sera, pour certains points, clarifiée qu'à la dernière minute. Les pays arabes souhaitant voir clairement une référence dans le texte à l'initiative de paix de la Ligue arabe de 2002 et un appel «à un Proche-Orient libre d'armes de destruction massive». De même, en coulisses, on s'agite autour d'une question épineuse où aucun consensus ne s'est dégagé, à savoir la localisation du secrétariat destiné à piloter les projets de l'union et, par conséquent, le mandat et les statuts de ce même secrétariat. A Rabat, Tunis et La Valette (Malte) qui postulaient pour abriter le siège de ce secrétariat général est venu s'ajouter un candidat de dernière heure, Barcelone, qui, selon le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, possède tous les atouts pour abriter «un secrétariat fort, bien structuré, capable d'assurer le suivi et l'exécution des projets concrets». Tout en rappelant que l'Espagne a été le moteur du processus de Barcelone. A cette candidature non tranchée, comme d'autres sujets qui restent flous, la réunion des ministres des Affaires étrangères du processus Euromed, prévue début novembre, aura à répondre. Quoi qu'il en soit, pour ce sommet inaugural qui se veut grandiose dans sa mise en scène, les ambitions restent pour l'heure mesurées. Même s'il faut acter la charte avec une déclaration commune qui évite les questions qui fâchent.