Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Un phénomène qui inquiète de plus en plus : l'aménagement et la réhabilitation des marchés couverts n'incitent pas les commerçants informels à se mettre en règle avec la loi, ils pousseraient plutôt les opérateurs légaux à se mettre hors la loi pour aller gonfler les rangs, déjà très imposants, du marché noir. Selon la direction du commerce d'Oran, l'Etat a consacré 25 milliards de centimes à réhabiliter la trentaine de marchés couverts qui existent sur le territoire de la wilaya, et pour offrir aux commerçants informels un cadre légal pour l'exercice de leur profession : «Non seulement ces marchés sont boudés mais de plus en plus de commerçants légaux semblent vouloir rejoindre un secteur informel débarrassé des charges fiscales et parafiscales», estime-t-on du côté de la même direction. Pour l'ensemble des marchands légaux, ce ne sont pas seulement leurs concurrents de l'informel qui cassent le commerce mais également les «charges trop lourdes» qui pèsent sur eux et rendent l'exercice de leur profession aléatoire : «Les autres n'ont pas ce problème et peuvent, donc, travailler en toute tranquillité, d'autant que les pouvoirs publics ne semblent pas pressés de nous en débarrasser. Pourquoi, alors, continuer à payer des impôts ?» se plaint-on dans les marchés des fruits et légumes d'Oran. Ce qui est valable pour les fruits et légumes est aussi valable pour tous les autres secteurs d'activité où les commerçants informels mènent la vie dure aux opérateurs légitimes restants. «Les différents services de lutte contre l'informel qui pullulent auront beau multiplier les opérations de saisie, le marché noir demeure très profondément ancré dans nos mœurs et continuera de miner notre économie pendant de longues années encore», estime un économiste d'Oran qui affirme que l'allégement des charges fiscales et parafiscales des opérateurs économiques serait un premier jalon dans la lutte contre le marché noir. «Si elle n'éradique pas le commerce informel, cette mesure dissuadera très certainement les commerçants légaux à se mettre hors la loi.» Notre économiste rejoint ainsi les préconisations de Brahim Bendjaber, président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), qui avait plaidé, l'année dernière sur les ondes de la radio nationale, cet allégement et la bancarisation de l'économie pour mettre fin à un marché noir «évalué à quelque 55 milliards de dinars, soit 900 millions de dollars […] et qui est constitué de 450 marchés informels animés par plus de 90 000 intervenants sur le territoire national». De son côté, l'UGCAA estime que la fraude fiscale est beaucoup plus importante et la situe autour de 200 milliards de dinars annuellement, soit «l'équivalent du budget de 5 à 600 communes moyennes», comme l'a affirmé son porte-parole, Bounour Hadj Tahar, au cours d'une rencontre qui a eu lieu cet été à Oran. Jusqu'ici, les appels lancés pour une véritable politique de lutte contre le commerce informel sont restés sans écho puisque toutes les mesures prises par l'Etat pour la reprise en main des marchés demeurent sans résultats probants. En dépit des promesses du ministre du Commerce pour une guerre totale contre le marché noir…