Le plus grand danger pour un parti politique réside dans les clivages claniques fondés sur des intérêts matériels ou le sectarisme sous toutes ses formes. » C'est le terrible constat que fait Abderrezak Bouhara du parti FLN. Une logique « suicidaire » avec laquelle l'ex-parti unique doit rompre, à l'occasion de son 9e congrès national, préconise M. Bouhara dans son rapport qu'il présentera aujourd'hui devant les membres du conseil national de parti. Dans son long rapport de 97 pages, le sénateur FLN A. Bouhara, qui fait partie de la vieille garde, n'a pas usé de la langue de bois pour dire « ses quatre vérités ». Il a estimé, en parlant du parti de Belkhadem, que « la culture de l'allégeance à des groupes de personnes, de l'intrigue et de la violence n'ont jamais servi un parti ». Les mises en garde lancées par cet ancien ministre de la Santé du temps de Chadli sont nombreuses. Pour lui, « un parti politique connaît le déclin et le dépérissement s'il se laisse entraîner dans l'engrenage de la lutte de groupes d'intérêts dominés par des ambitions personnelles démesurées, ou bien sur la voie de la phobie des idées, de la paresse intellectuelle, de l'enfermement dans des pratiques organicistes et de l'émergence de la médiocrité », peut-on lire dans le rapport de la commission présidée par M. Bouhara. Ladite commission estime que le capital de réflexion théorique dont dispose le parti est en veilleuse. « Notre parti donne l'impression d'être sous l'effet d'un phénomène d'inhibition », jugent les rédacteurs de ce rapport. Plus sévère dans l'analyse critique qu'il fait de son parti, M. Bouhara considère que le FLN « ne peut prétendre à une mission de démocratisation et de participation au développement du pays sans procéder à une révision radicale de sa vie politique et organique interne ». Pour les membres de cette commission, il est urgent d'œuvrer à la reconstruction du parti à travers la modernisation de son organisation, mais surtout la démocratisation de son fonctionnement. Par ailleurs, ce rapport, qui a suscité une grande polémique lors de sa présentation devant l'instance exécutive nationale, avant-hier, risque également d'engager un débat houleux au sein du conseil national du parti. D'autant plus que certains cadres ne cachent pas leur « désaccord » avec le contenu du rapport. Mais pour ses rédacteurs, il s'agit « de remettre le FLN sur sa voie originelle qui est celle tracée par le mouvement de libération nationale ». Et pour enfoncer le clou, le rapport relève que la promotion des cadres dirigeants au sein du parti « s'est effectuée à travers une forme de délégation de la légitimité historique ». Il ajoute que « le déficit de légitimité démocratique que génère fatalement la pratique de la cooptation qui s'installe dans notre parti, sous couvert d'un centralisme démocratique qui ne dit pas son nom, se traduit par un antagonisme chronique entre la base militante et les instances dirigeantes ». Le président de la commission juge que le paysage politique du FLN « présente une image où la jeunesse est marginalisée, les femmes reléguées au second plan, les organisations syndicales et sociales non soutenues et le mouvement associatif négligé ». En revanche, « les groupes de pression de nature corporatistes, les dispensateurs de fonds financiers, des hommes d'affaires intéressés et les candidats aux candidatures prennent une place de plus en plus influente au sein de ce paysage ». Ce paysage donne l'impression que le FLN ne dispose pas d'une base sociale et de représenter un courant d'opinion au sein de la société, écrivent les rédacteurs de ce rapport. Ils se demandent à ce sujet : « Quelle est la base sociale de notre parti ? Quel est le courant d'opinion qui détermine sa politique ? » Des questions auxquelles le 9e congrès du FLN est appelé à répondre s'il veut éviter de finir au musée ; le rapport le souligne d'ailleurs. « Le risque de déclin est toujours présent. La fuite en avant, les déclarations optimistes répétées ne peuvent cacher cette réalité. S'il n'y a pas de réveil, le déclin risque de devenir irréversible », conclut M. Bouhara.