Jamais, dans les annales, une rencontre de football n'avait suscité autant de passions, charrié autant de polémiques et attisé autant de haines. Le match qui a opposé l'Egypte à l'Algérie a réussi à le faire. Pis, une rivalité footballistique, en réalité vieille de plusieurs décennies, quitte les arènes du sport pour se retrouver, par la grâce de coups de pierres égyptiennes contre des joueurs innocents, dans les couloirs de la politique. Là aussi, un autre match s'est joué entre les autorités des deux pays. Sauf que cette nouvelle affaire réveille de vieilles querelles et des rivalités qui datent de très longtemps. Une rivalité sportive, d'abord, mais aussi une course au leadership d'une région, appelée monde arabe en manque de repères depuis au moins les années 1970. Avec une proximité, dans tous les sens du terme, avec Israël et ses implications, presque évidentes, dans le conflit israélo-palestinien, le pays de Moubarak a pris de manière unilatérale le leadership de l'ensemble arabo-musulman. Il faut dire aussi que les Egyptiens se sont appuyés sur un argument de taille : l'histoire ancienne de leur pays qui a poussé à la création de chaires dans plusieurs universités occidentales, appelées égyptologie, devenue même une discipline universitaire à part entière. A cela, il faut ajouter, toujours dans le registre du conflit arabo-israélien, le fait que l'Egypte a pris la tête -en raison de sa proximité géographique avec Tel-Aviv-, de deux guerres, celles de 1967 et de 1973. Les accords de Camp David de 1977 (établissement des relations diplomatiques entre l'Egypte de Sadate et Israël) ont définitivement donné au Caire une sorte de protection des Occidentaux. Et cela a suffi à ce pays pour développer un complexe de supériorité sans bornes et croire que tout lui est permis. Preuve en est que le siège de la Ligue arabe est dans la capitale égyptienne. Et, comble de l'ironie, tous les secrétaires généraux de cette instance sont aussi égyptiens. C'est cela que l'Algérie a donc contesté à l'Egypte. Forte de son histoire millénaire et de sa Révolution qui a inspiré même des artistes égyptiens, l'Algérie a, dès les années 1970, pris une place importante sur l'échiquier politique de la région, quoique notre pays ait été affaibli par les problèmes de la décennie 1990. Les premiers couacs diplomatiques entre les deux pays sont donc nés en 2005 lorsque l'Algérie a abrité le Sommet de la Ligue arabe. Sans verser dans une polémique publique, Alger avait tout fait pour «réformer les institutions de la Ligue arabe». Et, par réforme, les Algériens voulaient d'abord que le poste de secrétaire général soit «élu» et que le siège soit «à tour de rôle» entre les pays membres. Un haut responsable algérien avait même qualifié le siège de la Ligue arabe d'«annexe du ministère égyptien des Affaires étrangères». Cela avait suffi pour déclencher une polémique et la réforme proposée par l'Algérie a définitivement été enterrée. Sauf que cet événement a jeté un froid entre les deux pays même si pour les besoins de consultations diplomatiques, les deux chefs d'Etat se rencontrent de temps à autre, et ce sans qu'il y ait de visites officielles. Et ce qui s'est passé cette fois n'est donc que l'éveil d'anciennes tensions. A. B.