Photo : S. Zoheir Par Smaïl Boughazi L'Algérie s'apprête à lancer, durant les prochaines cinq années, des milliers de moyennes et petites entreprises. Le défi est colossal, les attentes aussi. Notre pays a pu également concrétiser le rêve de nombreux porteurs de projets, ces dernières années notamment dans le cadre des différentes formules destinées à l'emploi de jeunes. L'Ansej, l'Angem, la Cnac etc. ont pu offrir une chance aux jeunes chômeurs qui, sans cet appui, n'auraient pu réaliser leurs rêves et sortir du cercle infernal du chômage. De la sorte, les pouvoirs publics ont trouvé cette parade qui est l'octroi de crédits bancaires dans l'optique de booster et de donner un coup d'accélérateur à un certain nombre de créneaux économiques. Malgré cette dynamique économique, force est de constater que, face à la naissance de milliers de PME, la mort guette bon nombre d'entre elles. C'est ainsi qu'en évoquant les différentes formules de l'emploi de jeunes, le taux de mortalité s'impose comme un phénomène qu'il faut prendre en considération. En fait, la disparition des petites et moyennes entreprises inquiète les spécialistes quand le taux est élevé. Une rencontre, organisée récemment sur les différents mécanismes mis en place pour la création d'entreprises, a dévoilé des manquements auxquels il faut trouver des réponses urgemment. Les responsables du secteur, eux, sont dans l'incapacité de fournir des réponses et même des bilans exacts sur l'évolution des PME. Ainsi, pour uniquement le dispositif Ansej, on a avancé plusieurs chiffres qui sont même contradictoires. Au moment où les responsables affirment que le taux de mortalité n'est que de 20%, des spécialistes estiment que le taux est plus important. Ainsi, pour M. Djerrad, commissaire aux comptes et président de l'Union des experts-comptables d'Algérie, le taux de mortalité est de plus 50%. Le commissaire aux comptes avoue même que cette évaluation pourrait être en deçà de la réalité. Il s'agit, pour ce spécialiste, d'un phénomène dû en partie au manque d'efficacité du dispositif mais également au manque d'accompagnement des jeunes promoteurs. M. Djerrad a ajouté au même titre que ces dispositifs sont extraordinaires sur le plan réglementaire, mais en pratique, il n'y a ni suivi ni contrôle de ces dispositifs et des entités qui les gèrent. Outre ces deux éléments, le spécialiste impute ce manque à une culture qui s'est enracinée dans les mœurs de la population. Il s'agit, à ses yeux, d'une idée selon laquelle tout ce qui provient de l'Etat est un «don» et, par ricochet, les bénéficiaires des crédits ne sont pas tenus de les rembourser. Quelles sont les raisons du phénomène ? Bien que le phénomène de la mortalité des entreprises ne soit pas nouveau, des études doivent être menées afin de connaître les raisons exactes de cette situation. Sous d'autres cieux, la vie des entreprises est surveillée régulièrement et la démographie des PME est un élément important à prendre en considération. Il est peut-être important de rappeler brièvement quelques chiffres relatifs à ce sujet. En 2005, en effet, le nombre de fermetures de sociétés était de 3 538. L'année suivante, le nombre a atteint 4 795 unités. Bien que ces chiffres ne soient guère alarmants puisque le nombre des entreprises créées durant la même période est bien supérieur, il est tout de même légitime de s'interroger sur les raisons qui poussent les entrepreneurs à mettre la clé sous le paillasson. On avance une pléiade de causes, toutefois, il est difficile de situer les responsabilités étant donné que plusieurs éléments influent sur la mortalité des entreprises. Un spécialiste de la démographie des entreprises juge que la taille, l'organisation, la structure, la gestion, la main-d'œuvre, les difficultés d'accès aux marchés et aux capitaux, et le manque d'expériences sont autant de facteurs qui peuvent expliquer la vulnérabilité et la disparition facile de ces petites et moyennes entreprises. Les spécialistes dans ce sillage pensent que la formation occupe une place de choix. Il faut dire que l'Ansej a mis en place plusieurs étapes pour accompagner les jeunes entrepreneurs. Ainsi, elle met à la disposition du bénéficiaire un accompagnateur qui suivra depuis la formulation de l'idée de projet jusqu'à son démarrage. Ensuite, une fois le projet validé, le concerné bénéficiera d'une courte formation qui lui permettra de s'initier aux principaux éléments du fonctionnement d'une entreprise (comptabilité, fiscalité, droit du travail...). Si l'Ansej a élaboré toute cette batterie de mesures pour assurer aux jeunes une meilleure gestion de leurs projets ou PME, il n'en demeure pas moins qu'après la naissance de l'entreprise, d'innombrables contraintes surgissent en cours de route. Les changements qui s'opèrent à tous les niveaux sont des éléments qui influencent grandement la PME. Car cette dernière est un électron qui dépend énormément de l'état de son environnement immédiat. Et c'est dans cette logique qu'on recommande un suivi durable des petites et moyennes entreprises afin de leur éviter une chute mortelle. Au même titre, les spécialistes préconisent aussi de créer les conditions appropriées, l'accompagnement des entreprises durant les conjonctures difficiles, telles que le marché de travail, la fiscalité et le capital-risque. Parmi les recommandations figure aussi le renforcement des programmes axés essentiellement sur l'amélioration du capital humain des entreprises et le recrutement d'une main-d'œuvre qualifiée capable de s'adapter au développement technologique et à forte productivité. Enfin, il y a lieu de souligner que la mortalité des PME est un indice de bonne santé d'une économie. Selon les observateurs, les entreprises qui disparaissent confirment qu'il y a une dynamique économique mais également une évolution et un développement des différents secteurs d'activité qui se transforment et même changent de vocation.