De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Comme toutes les grandes villes d'Algérie, Oran a bénéficié de nombreux immeubles, construits par le colonisateur. 200 000 logements devaient être construits pour un million de personnes, alors que le colonisateur lançait en parallèle le recrutement d'Algériens dans l'administration coloniale, l'armée et l'enseignement, la scolarisation d'un million et demi d'enfants, la réalisation de nombreuses usines, la création de 400 000 nouveaux emplois, l'indexation des traitements et salaires en Algérie sur ceux pratiqués en France. Ce plan quinquennal visait d'abord et avant la déstructuration et la déstabilisation du FLN et le «découplement» du peuple algérien pour contrer toute idée et/ou lutte d'indépendance. On le sait aujourd'hui, ce plan n'aura finalement vécu que trois années avant que les colonisateurs ne soient obligés, par les armes, de rendre leur terre aux Algériens . Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, les immeubles laissés par le colonisateur continuent d'abriter des milliers de familles, parfois dans de pénibles conditions compte tenu de la dégradation continuelle de ces constructions, l'absence de réfection, le laisser-aller des habitants comme des autorités : «Ces conditions de vie conjuguées à la promiscuité, l'incivisme, l'absence de perspectives pour beaucoup de personnes en âge de quitter le cadre familial et de fonder une famille…, tous ces éléments peuvent, à terme, mener à des situations explosives», explique Mahmoud, la cinquantaine, habitant au centre-ville d'Oran, dans l'un des ces immeubles. Si notre interlocuteur reconnaît être un privilégié (avec sa femme et ses deux enfants, il occupe deux appartements aménagés dans un bâtiment assez bien entretenu), il affirme néanmoins que le cadre de vie pourrait être autrement plus agréable si les citoyens s'impliquaient davantage dans la gestion des cités, même si les problèmes de promiscuité, de chômage, d'absence de perspectives peuvent interdire ce genre de préoccupations : «Ces cités pourraient accéder à un niveau de vie nettement supérieur, pour peu que les habitants fassent preuve de civisme et que les autorités communales mettent en place une politique urbaine réfléchie.» L'exemple de la Cité Perret Un exemple parmi d'autres, la Cité Perret (actuellement Mouloud Feraoun), située en plein centre-ville, à proximité de la Direction des services agricoles et à deux pas de la cour d'Oran, croule sous les ordures depuis de très longues années en dépit de plusieurs opérations d'assainissement et de mesures prises par les autorités communales. En mars dernier, et en un seul après-midi pendant lequel elle a mobilisé l'ensemble de ses moyens, la commune a fait enlever pas moins de 150 tonnes d'ordures ménagères qui s'étaient entassées entre les dix blocs de la cité. «C'est la énième fois que les services de la commune procèdent à une telle opération de nettoyage mais à chaque fois, il suffit de quelque mois pour que les détritus et les ordures s'entassent à nouveau. Jusqu'à quand les services de la commune vont-ils nous assister ? Il est grand temps de rompre définitivement avec les comportements inciviques car il s'agit bel et bien de nos propres ordures», avait déclaré à la presse un témoin occupant l'un des appartements de la cité depuis les années 60. Pour beaucoup d'Oranais le salut pourrait venir de la réalisation du million de logements durant le quinquennat 2010-2014 après celui de 2005-2009 : «Peut-être que nous apprendrons enfin à gérer nous-mêmes nos cités et à garantir un cadre de vie agréable», espère Mahmoud faisant écho à l'appel du ministre de l'Habitat, Noureddine Moussa, en direction des futurs acquéreurs : «Ces bâtiments ont coûté un prix fort à l'Etat et il est indispensable que les acquéreurs prennent conscience de cet état de fait. Il faut, donc, que le citoyen préserve sa cité et les parties communes, notamment les ascenseurs».