On le savait depuis longtemps, le football est loin d'être un simple sport qui divertit et passionne les foules du monde entier. Ses enjeux et son influence dépassent largement les frontières du sport au sens propre du terme. Le foot est aujourd'hui un indicateur du dynamisme social, économique, politique et culturel d'un pays. En tout cas, il est son meilleur miroir. Si incroyable que cela puisse paraître, le football est une source pour les études sociologiques car il renseigne sur le degré de la cohésion d'une société donnée et sur la nature de ses rapports sociaux. Mieux, le foot fait braquer tous les projecteurs sur un pays. Ainsi, il suffit que onze joueurs fassent un très bon parcours dans les éliminatoires de la Coupe du monde pour que leur pays sorte de l'anonymat même s'il est sous-développé. Quant à une qualification pour une Coupe du monde, les conséquences et les impacts dépassent toute imagination. Il faut savoir que pas moins de quarante milliards de téléspectateurs ont suivi la dernière Coupe du monde, en audience cumulée ! Partant de cette réalité, le chercheur français Pascal Boniface estime que «le football, au-delà des enjeux sportifs et des passions populaires qu'il suscite, a un véritable impact, insoupçonné, sur le fonctionnement de la planète. La constitution des équipes, les matches, la vie du football ont des répercussions sur l'image des nations, sur la politique internationale, sur les problèmes de paix et de guerre et sur les identités nationales. Le football est souvent un signe annonciateur d'évolution géopolitique majeure». Et c'est dans cette évolution géopolitique majeure, pour reprendre la terminologie de Boniface, que l'Algérie s'inscrit aujourd'hui après sa qualification au Mondial sud-africain. Alors que c'était naguère un pays rongé par les affres du terrorisme et les crises politiques successives, le foot a fait rayonner désormais dans les chapelles du monde entier l'image d'une Algérie jeune, joyeuse, enthousiaste, unie et désireuse de croquer la vie à pleines dents. Qui aurait cru qu'Al Jazeera, France 2, Canal + et la presse écrite internationale la plus prestigieuse reprendraient ces images de liesse, de fiesta collective, de parades et de défilés jubilatoires magnifiquement mis en scène par une jeunesse algérienne assoiffée de bonheur ! Une image nettement différente de celles qu'on veut toujours coller aux jeunes de notre pays. L'Algérie, ce pays cité en mauvais exemple durant les années 90, revient ainsi en force sur le devant de la scène mondiale auréolé de sa nouvelle image étincelante d'un mondialiste, de surcroît le seul du Maghreb et du monde arabe. N'est-ce pas là une aubaine qui aurait fait rêver n'importe quel autre pays en proie aux réminiscences d'un passé trouble ? Certainement, oui. Et naturellement tout cela s'explique. Incarnation d'un Etat, l'équipe nationale de football devient l'image symbolique de la nation et, grâce à la couverture planétaire que lui assure la télévision, elle contribue fortement, désormais, à répandre l'image d'un pays, au même titre que les facteurs culturels. Et au moment même où la mondialisation entraîne une perte importante des repères identitaires des populations, le football leur assure la continuité et fait souder de cette manière un pays entier derrière son équipe en laquelle toute la population se reconnaît. N'oublions pas à ce propos que, de 1958 à 1961, l'Algérie disposait d'une équipe de foot, avant même que notre pays n'accède à l'indépendance. Cette équipe était même le meilleur ambassadeur de l'Algérie révolutionnaire en lutte contre le colonialisme. Nul n'a minimisé l'apport considérable des joueurs de cette équipe à la cause nationale. Un demi-siècle après, les Fennecs renvoient au visage des plus sceptiques, du moins durant les 90 minutes du match, le tableau majestueux de la cohésion d'une Algérie unie derrière son équipe nationale. Et ce tableau n'a pas manqué d'en enchanter plus d'un à travers le monde entier qui nous ausculte continuellement à travers ses médias. Reconnaissons-le une fois pour toutes, les Ziani, Megheni, Yebda, Antar Yahia et compagnie nous ont bel et bien donné à vivre la grande palpitation de la jeunesse algérienne en proie aux élans de l'espoir et aux sentences du destin. L'odyssée des Verts durant leur parcours pour le Mondial raconte en accéléré la condition de l'être algérien, le roman mythique des individus et des collectivités qui forment notre patrie avec ses grandeurs et ses espérances. C'est ainsi qu'une autre Algérie est née… Le monde l'aura compris. A. S.