De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali L'unique période au cours de laquelle la «culture de proximité» signifie réellement quelque chose pour le grand nombre est, paradoxalement, la saison estivale lorsque, à l'occasion du Festival international du cinéma arabe, des projections de films sont organisées sur quelques places publiques. Cet événement qui permet à quelques centaines de familles d'assister à une manifestation culturelle à proximité de leurs maisons, sans qu'elles aient à se soumettre aux contraintes d'un déplacement dans un centre-ville devenu très étouffant. Hormis cette occasion, les jeunes Oranais ne connaissent pratiquement rien de la culture de proximité et, au regard de l'évolution des choses, la situation ne risque pas de changer de sitôt : dépourvus de bibliothèques communales (dont les vertus sont pourtant régulièrement louées par les officiels), d'associations culturelles actives, de salles de spectacles (il est inutile de revenir sur la situation des cinémas), de maisons des jeunes…, la grande majorité des quartiers oranais n'ont aucune vie culturelle digne de ce nom. «Même dans le centre-ville, il n'y a pratiquement rien du tout, remarque Salim, la cinquantaine, enseignant. Hormis quelques librairies, la cinémathèque ou le théâtre, on ne peut dire que la vie culturelle oranaise soit trépidante. Il s'en faudrait de beaucoup.» Il est vrai que Salim a vécu quelques années dans un pays occidental où les manifestations culturelles se comptent par centaines tous les jours. «Dans ce pays-là, la culture de proximité a un sens, grâce bien entendu à l'Etat et aux élus mais aussi à un travail associatif impressionnant. Où que l'on soit, on trouve toujours quelque chose à lire, à regarder ou à écouter.» Exception faite des cybercafés (de moins en moins fréquentés pour cause de pénétration progressive d'Internet dans les foyers) et parce que la culture de proximité ne semble toujours pas constituer l'une des priorités des pouvoirs publics, qui privilégient les activités sportives et physiques (réhabilitation des terrains combinés et multiplication des espaces de loisirs), l'écrasante majorité des cités oranaises manquent cruellement d'espaces culturels, ce qui ouvre la voie à l'apparition ou au développement de phénomènes dangereux pour la société : consommation de cannabis, agressions, vols… viennent ainsi combler le grave vide culturel. «Je serais plus tranquille si une bibliothèque accueillait de temps en temps mon fils quand il n'est pas au collège, souhaite la mère d'un adolescent de 15 ans. Ou une maison de jeunes qui lui permettrait de développer ses potentialités, au lieu de jouer constamment au football avec les copains. Malheureusement, dans mon quartier de Sédikia [est de la ville, ndlr], il n'existe aucune structure de ce type.» Résultat : comme des centaines de milliers de parents à travers le pays, cette mère de famille s'inquiète pour les fréquentations de son enfant dans «cette société en perte de repères, complètement déboussolée. Même l'école, censée nous rassurer et nous débarrasser d'une part de nos angoisses, vit sa crise».