Photo : La Tribune Entretien réalisé par notre envoyé spécial à Batna Amirouche Yazid LA TRIBUNE : Y a-t-il des textes de théâtre écrits en targui ? Mouloud Fertouni : Tous les textes présentés comme œuvre du théâtre amazigh ne sont que des noyaux et des ébauches pour la création de ce genre. Ce n'était que des textes pour des œuvres théâtrales. Il n'y a pas de textes de cette nature, mais il y a des contes qui peuvent faire l'objet de thème pour des pièces théâtrales. Il y a des héritages et des traditions qu'on peut considérer comme un moteur de théâtre. Ces éléments peuvent être exploités pour créer plusieurs genres de théâtre : du folklore, des traditions. On peut créer du théâtre à partir de ces formes d'héritage. Certaines traditions portent en elles-mêmes les caractéristiques d'un espace théâtral. La manière dont est célébrée la fête d'«Iguini Ifeklane» chez nous est en mesure de mener vers une pièce théâtrale. Les présents à cette fête, des célibataires des deux sexes, jouent des rôles étroitement liés avec une scène de théâtre. C'est un décor de théâtre populaire. Il y a ceux qui disent qu'un théâtre amazigh n'existe pas et que ce qui existe se résume à un théâtre d'expression amazighe. Qu'en pensez-vous ? Nous n'abordons pas la question des parlers. Il y a une langue amazighe ancestrale et qui est nationale depuis peu. On ne la qualifie pas de théâtre des parlers du pays, mais il y a bel et bien un théâtre amazigh. Un festival comme celui qu'organise Batna actuellement réunit les régions avec les caractéristiques de chacune et la diversité de l'Algérie. Et comment évaluez-vous l'état du théâtre amazigh ? Pour l'heure, je ne peux faire aucune évaluation. Nous sommes juste au début. Nous venons de tisser des contacts, puisque aujourd'hui j'ai croisé des frères de Béjaïa, Tizi Ouzou, Biskra et Ghardaïa. Cette rencontre est en elle-même un acquis pour le théâtre amazigh. Je précise que nous ne nous sommes pas vus pour le simple plaisir. C'est une rencontre qui devrait servir de base à ce qui sera appelé à l'avenir le théâtre amazigh. Le théâtre amazigh préfère-t-il s'articuler sur les idées ou bien se base-t-il sur la forme ? Jusqu'à présent, nous sommes dans les deux situations. D'une part, il tente de répandre une idée qui existe dans la société amazighe. D'autre part, il y a ceux qui optent pour la forme. Le théâtre amazigh a besoin de répéter ce genre de festival et d'autres ateliers pour l'enrichir. Ce n'est qu'à travers la multiplication des rencontres que notre théâtre finira par s'améliorer. Pour le moment, nous ne pouvons construire sur l'adhésion du public puisque nous sommes en plein festival. La question est de savoir comment exploiter cette dynamique autour du théâtre amazigh et que peuvent apporter ces troupes à ce genre. Il y aura certainement de l'exigence dans les prochaines éditions. Il va falloir approfondir les questions. Le public a besoin justement de voir ses questions posées par le théâtre. Il a besoin de transmettre ses soucis et son vécu par le biais du théâtre. Est-il vrai que vous ne trouvez pas de comédiens pour des pièces théâtrales en tamazight ? Oui. C'est un véritable problème. Nous étions à maintes reprises obligés d'intégrer quelqu'un qui ne parle pas tamazight alors que ceux qui parlent cette langue refusent de venir au théâtre. Nous essayons parfois de convaincre des gens qui ne sont pas vraiment portés vers le théâtre pour qu'ils viennent tenir des rôles. Nous sommes tenus dès lors à le former pour présenter une œuvre valable. La langue amazighe est simple à apprendre contrairement à ce que soutiennent d'autres gens. Pouvez-vous nous faire un résumé de votre pièce ? Tamanhayt, qui veut dire face au miroir, raconte une histoire qui se passe à Tamanrasset. C'est la première pièce présentée en tamazight à Tamanrasset si l'on excepte celle de Fatma présentée par le TNA. Le texte traite un phénomène assez enraciné chez la famille targuie, et j'ai essayé de lui donner un cachet théâtral. Il s'agit du mariage précoce qu'on impose aux jeunes filles qui se retrouvent partagées entre un recours au droit et le poids des traditions. En fin de compte, même quand elles sollicitent le droit, elles finissent souvent par revenir à la tradition.