Le feuilleton à rallonge qui a suivi le match Algérie-Egypte au Soudan, coloré aux fleurs de la passion, au nationalisme le plus chauvin oint par un extrémisme qui se voulait patriotique a eu cependant les effets de révélateur. Le premier d'ordre politique a confirmé, une fois de plus, que la Oumma, la Ligue arabe privatisée par l'Egypte officielle ne sont que des coquilles vides. La première est aujourd'hui un fantasme et la seconde une administration budgétivore vorace au seul service de ses salariés. Sa place, son utilité pour des problèmes arabo-arabes ou pour ceux d'ordre international (Sahara occidental- Liban- Palestine- Yémen- Golan occupé, etc.) sont exactement du niveau zéro. L'Egypte, donc la Ligue arabe, est le partenaire, l'auxiliaire et le supplétif d'Israël et des Etats-Unis alors que d'autres pays arabes ont, de plus en plus, discrètement, des points de vue opposés.Le deuxième et déterminant révélateur a alimenté des polémiques par journaux privés interposés, dans l'armada télévisuelle égyptienne autour de l'identité arabe, des origines berbères fondatrices de l'Algérie, de la maîtrise, sinon le monopole, de la langue arabe, loin d'être celle des sciences, des ordinateurs, des technologies et de la conquête de l'espace. Vouloir en être le détenteur qui délivre le label de qualité, pourquoi faire puisque les brevets déposés en langue arabe dans le monde n'inquiètent nullement les maîtres des sciences et des techniques qui ne sont pas arabes ? Le feuilleton a révélé surtout le niveau culturel de ceux, très nombreux dans les deux pays, qui ont enfourché les chevaux de bois du «plus arabe», «plus pur et originel», du «plus arabisé», du «plus civilisé», du «moins barbare», du «plus cultivé», etc. les postures et les vocabulaires relevaient plus du concours de beauté, de la Star Academy, des biceps gonflés que de la polémique entre penseurs et essayistes comme il y en a chaque jour dans les pays démocratiques qui offrent à leurs citoyens tous les débats, en direct à la radio, à la télévision, au Parlement, à l'université et dans tout l'espace public, sans oublier les syndicats et les associations. Ce que font les associations, l'abbé Pierre et celle du droit au logement pour ne prendre que la France n'est même pas rêvé par tous les partis et associations, de l'ensemble des gouvernements membres de la Ligue arabe, de l'Union africaine… L'Egypte, qui a ouvert les hostilités, et l'Algérie, qui a gardé au plan officiel et dans les médias lourds calme et sérénité, ont dévoilé à leur insu ou malgré elles le hiatus profond entre les peuples et leurs dirigeants. Un avantage pour le peuple algérien qui a, en dehors de la créativité et de l'humour délivrés sur le Net, manifesté sans haine ni vulgarité sa joie de s'être retrouvé, collectivement en créant, puisqu'il n'a pas été empêché, le temps d'une victoire, d'un espace, d'une geste collective qui a brassé les sexes, les générations et les origines géographiques et politiques pour dire une conscience. Celle d'être aux plans culturel et linguistique une mosaïque d'altérités, de convictions, de parlers qui font une nation. Le feuilleton inspiré par les officiels et les médias d'Egypte dont les ressorts étaient «la pureté», une arabité exclusive et indépassable et surtout la nostalgie de l'Andalousie perdue, heureusement pour elle, a fait un flop retentissant. Mais attention, le foot, c'est comme la langue d'Esope selon que la victoire ou la défaite sont au rendez-vous. Il ne pourra jamais remplacer la culture libérée des manipulations utilitaires, celle qui rapproche les métissages de tous les peuples et qui fait qu'un match n'est qu'un match et non pas «la bataille du destin» comme celles qui ont été, toutes, perdues contre Israël. Et il y a encore des rencontres qui seront gagnées et d'autres perdues. A. B.