Le mouvement de grève déclenché dans les deux fleurons de l'industrie algérienne, à savoir le Complexe d'El Hadjar et la zone industrielle de Rouiba, auraient eu plus d'impact et d'écoute si le pays regardait plus ce qui se joue devant lui que de tendre l'oreille vers… Luanda. Les performances de la sélection nationale durant l'année 2009 ont été un motif de joie et de jubilation pour tout le pays. Les Algériens ne s'en sont pas privés pour festoyer après une série de victoires, qui, dans une démesure pas si facile à expliquer, a fait oublier aux citoyens leurs soucis quotidiens. La colère ouvrière de ce mois de janvier, qu'elle provienne d'El Hadjar ou de Rouiba, sonne comme un retour au réel. Cette réalité rappelle que des milliers d'emplois sont menacés, que la politique salariale est complètement dépassée et que les travailleurs cherchent une organisation syndicale réellement représentative. Il est pour le moins étonnant d'entendre des ministres et autres chefs d'organisation de masse émettre des vœux de victoire pour les Verts au moment où leurs missions consistent à expliquer l'échec de leurs départements ministériels. Toute la vie du pays a été curieusement réduite aux rendez-vous du football. Il est vrai que la passion du football fait courir beaucoup de monde. Il peut également être un motif de satisfaction nationale. Mais dans le présent cas de l'Algérie, le football a hypnotisé la population, l'administration et les institutions du pays. Des responsables se croient en effet obligés d'évoquer les futures échéances des Verts comme s'il s'agissait d'une cause nationale. Or, le football n'est qu'une compétition technique avec un enjeu purement sportif. La trajectoire d'une nation ne se joue jamais à travers une partie de football, contrairement à ce que peut constituer la situation sociale d'un pays sur son propre avenir. Ce qui était caché par la balle ronde vient d'être visiblement déterré par des milliers de travailleurs qui crient leur ras-le-bol contre une gestion aléatoire de l'entreprise. Une situation que la très cyclique tripartite n'a pas pu soigner, quand bien même on se féliciterait, du côté du gouvernement comme auprès de la Centrale syndicale, de la revalorisation -sans incidence, il faut bien le rappeler- du salaire national minimum garanti (SNMG). La contestation des travailleurs est une véritable remise en cause de ce qui est entrepris en matière de gouvernance des entreprises. L'alerte est d'autant plus sérieuse lorsqu'on sait que la création de petites et moyennes entreprises, source d'absorption du chômage, fait face à une multitude de contraintes. A. Y.