Deux semaines après le déclenchement de la grève des travailleurs de la SNVI, le polygone industriel de Rouiba-Réghaïa est aujourd'hui en ébullition. Le mouvement de contestation a rapidement fait tache d'huile, les mécanos de l'ex-Sonacome ont été très vite rejoints par les métallurgistes de l'entreprise Anabib et les travailleurs des autres unités publiques implantées sur le site. Ils sont, chaque jour, plus nombreux à battre le pavé depuis une dizaine de jours dans l'indifférence des pouvoirs publics et des autorités locales. La seule réponse à laquelle ont eu droit ces milliers d'ouvriers, c'est celle de la répression. Le secteur de Rouiba-Réghaïa ressemble, depuis le début du conflit, à une véritable place fortifiée où ont été déployés autant de policiers, gendarmes et brigades antiémeute. Un véritable « quadrillage » de la zone industrielle a été mis en place depuis le début du conflit, empêchant par la force les grévistes de sortir de leurs usines et de marcher pacifiquement sur la ville en signe de protestation contre les mesures arrêtées par la réunion tripartite en décembre 2009. Il faut dire que le feu couvait depuis plusieurs mois. En effet, pour ne prendre que le cas de la SNVI, les cadres et les responsables de l'entreprise ont tiré plus d'une fois le signal d'alarme sur la situation difficile que traverse l'entreprise confrontée à un déficit chronique – plus de 60 milliards de dinars de dettes – et dont le seul plan de charge se résume dans la fabrication, bon an, mal an, de quelques centaines de véhicules destinés précisément à la police et à l'armée, des véhicules du même type que ceux déployés autour des usines en grève. Les importations d'engins et de bus d'origine asiatique n'ont fait qu'aggraver les difficultés de la SNVI, qui a du mal à placer ses produits sur le marché sans que les premiers responsables du secteur de l'industrie ou même M. Temmar, qui a promis que la première voiture 100% algérienne sortira des chaînes de montage dans moins de dix ans, ne s'en soucient outre mesure. Encore moins lors de la dernière tripartite où l'on n'a pas osé évoquer les vaines procédures d'assainissement financier ou tout autre démarche pour sauver ce qui peut l'être encore du secteur public industriel. L'expérience malheureuse du complexe sidérurgique d'El Hadjar devrait d'ailleurs donner à réfléchir aux décideurs et autres concepteurs d'idées toutes faites, prêtes à l'emploi. Dans cette situation de pourrissement, la centrale syndicale UGTA brille par son absence sur le terrain, ayant largement entamé le peu de crédit qui lui restait auprès des travailleurs qui y croyaient encore… Face à cette absence de représentativité que le pouvoir s'obstine à ignorer, en maintenant à bout de bras un syndicat décrié, beaucoup songent d'ores et déjà à une confédération des organisations syndicales autonomes. Peut-être qu'une fois encore comme en octobre 1988, tout peut commencer à partir de la zone industrielle de Rouiba.