En vertu d'une nouvelle fetwa cogitée et avalisée par le «prestigieux» El Azhar, l'ouvrage de l'illustre écrivain égyptien Taha Hussein, El Ayyam (les Jours), est définitivement retiré du programme d'enseignement secondaire en Egypte. En intellectuel éclairé, Taha Hussein, décédé en 1973, avait dénoncé dans cette publication sortie en 1929 les limites, l'ignorance, voire l'animosité de certains enseignants traditionnels, dont ceux appartenant à El Azhar. Aussi cette œuvre majeure n'avait-t-elle cessé depuis sa parution de faire l'objet d'attaques acerbes et de sévères critiques. Depuis qu'elle est enseignée, il y a plus de 20 ans, cette œuvre devait être éloignée des futures générations d'Egyptiens qui ne devaient aucunement s'inspirer de la vision de cet érudit que la cécité n'empêcha pas d'assumer les fonctions de ministre de l'Education nationale. Les détracteurs de Taha Hussein «voyaient», quant à eux, d'un mauvais œil celui qu'ils accusaient d'être un «vendu de l'Occident» pour avoir poursuivi ses études en France. Avant d'être complètement interdit dans les lycées par El Azhar, El Ayyam avait été amputée par la censure de quatre paragraphes conséquents avant qu'il n'ait eu raison de l'ouvrage. Encore une fois, cette université islamique qui fait office de puissante autorité religieuse a raté l'occasion de ne pas faire parler d'elle : se taire, comme elle l'a souvent fait dans des moments cruciaux qui dictaient pourtant que ses savants se prononcent. Avant cette fetwa, la prestigieuse Djamiaa a encore fait des siennes en se prononçant en faveur de la construction d'un autre mur de la honte, celui qui sépare l'Egypte de sa frontière avec Ghaza, dont la population est soumise depuis la mi-janvier à un blocus israélien. Ce faisant, El Azhar a confirmé dans quelle mesure il est au service du régime en place et loin d'être utile à l'islam. Censée représenter la connaissance et la conscience du monde musulman et refléter la lumière de l'ouverture, cette institution moribonde et stérile ne dérange que par l'inertie et le ridicule de ses fetwas. Elle nuit plus à une religion, qu'elle ne cesse de ridiculiser, qu'elle ne la sert : en 2007, El Azhar avait choqué plus d'un en «pondant» une fetwa qui devait définitivement mettre un terme à l'un des «soucis» majeurs de la théologie musulmane, celui des incidences induites par la promiscuité de l'homme avec la femme. En effet, si ces derniers devaient se retrouver seuls, notamment sur les lieux de travail, le diable tentateur est forcément la troisième personne à s'imposer entre eux. Qu'à cela ne tienne, les ingénieux érudits d'El Azhar y ont remédié : la femme doit allaiter son collègue pour que les liens de camaraderie se transforment en de sacrés liens familiaux, empêchant ainsi toute velléité de tentation. Si seulement El Azhar pouvait se passer de ce genre de «sorties» pour se prendre plus au sérieux, il pourrait se trouver une excuse valable pour ne pas disparaître définitivement. Où était donc El Azhar lorsque les musulmans se faisaient tuer par milliers en Algérie au nom de la religion ? Pourquoi cette «prestigieuse» institution n'a-t-elle pas levé le doigt lorsque Algériens et Egyptiens, deux peuples «frères» unis par la religion, ont failli en arriver au pire à cause du chauvinisme suscité par le football ? Seul… El Azhar est en mesure de répondre à cette question. M. C.