Encore une fois, le peuple est sorti dans la rue après un match de l'équipe nationale de football. Jeudi soir, le climat était lourd et l'ambiance aussi. Dès 20h30, l'Algérie semblait sous couvre-feu. La demi-finale opposant les nouveaux héros nationaux à la sélection égyptienne a vidé les rues et artères du pays. Le peuple retient son souffle. C'est la mobilisation générale tacite et non concertée autour des Verts. Les âmes sensibles ont dû être écartées des écrans de télévision. La rencontre commence et le grand silence s'installe. A mesure que les minutes s'égrenaient et après le scénario désolant et frustrant du match, l'ambiance s'alourdit davantage. Fin de la première mi-temps, les «nicotinomanes» et autres esprits fulminants s'accordent un bol d'oxygène. Déjà, motivés par le carton rouge infligé à Halliche et le penalty accordé aux Egyptiens, les premiers commentaires sur la rencontre accusent. «L'arbitre est contre nous. Il a choisi son camp, c'est flagrant. Mais nos joueurs sont des professionnels. Cela va être dur, mais ils vont encore une fois nous faire honneur», fulmine un jeune adossé à une voiture. «Tu n'as pas encore compris. Le match est ficelé. L'Egypte a gagné avant le début de la rencontre. Ils ont encore une fois acheté l'arbitre», rétorque son compagnon entre deux pleines bouffées de cigarette. La suite des évènements va lui donner raison. Deux autres cartons rouges et quatre buts égyptiens plus tard, le climat s'assombrit davantage. Pendant près d'un quart d'heure les rues algériennes restent désertes et le silence est pesant. L'instant d'un éclair, les supporters des Verts ont repris leurs esprits. Les premiers klaxons de voitures fusent et les défilés reprennent comme si un mot d'ordre a été donné. Des dizaines de jeunes sortent en courant de la cité Garidi à Kouba, brandissant les couleurs nationales et scandant des slogans en l'honneur de l'équipe nationale. Direction le centre-ville. Les premiers «one, two, three, viva l'Algérie» emplissent l'air. Plus assourdissants que d'habitude, les vivats des supporters sortent des tripes. «Allez, allez Halliche», scandait un groupe de jeunes en signe de soutien au joueur et, à travers lui, toute l'équipe, face aux décisions injustes de l'arbitre béninois Coffi Codjia. «Pourquoi voulez-vous qu'on en veuille à cette équipe ? Elle nous a fait rêver pendant des mois. Ce n'est pas parce qu'elle a perdu un match, surtout dans de pareilles circonstances, qu'on va lui en tenir rigueur», affirme un autre supporter. «Déçu, je le suis. Mais je n'ai pas de rancune envers nos joueurs. Je suis outré par le comportement de l'arbitre. C'est lui qui a faussé la rencontre», soutient un troisième. Les villes algériennes ont connu, dans la soirée de jeudi dernier, un phénomène étrange. Jamais une défaite aussi large n'a fait sortir autant de supporters dans la rue. Ils ont prouvé, sans conteste, leur attachement à cette équipe nationale. Un soutien inconditionnel. «Vainqueurs ou vaincus, nous sommes tous derrière eux. Maak y a El khadra jusqu'à la mort», scandaient les fans des Fennecs. «Ils ont été lésés. Ils sont les premières victimes. Et le peuple algérien n'aime pas la hogra. C'est pour cela que nous sommes sortis manifester notre soutien aux joueurs. Nous savons être reconnaissants envers ceux qui nous ont rendu le sourire», explique un quadragénaire portant sa petite fille sur les épaules. S. A.