De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Après le désastre qu'a vécu la filière tomate industrielle ces dernières années dans la région de Annaba, qui avait vu fermer, l'une après l'autre, la douzaine de conserveries existantes et qui a réduit cette culture à quelques centaines d'hectares, la situation est en train de changer et un retour en force de ce produit est attendu en 2010. En effet, le dispositif mis en place par le ministère de l'Agriculture et son application sur le terrain par la DSA de Annaba augure de bons résultats au vu des mesures prises. «Ce qui nous intéresse, nous déclare Nasreddine Ayat, directeur des services agricoles de la wilaya, c'est d'arriver à un rendement maximum à l'hectare. Nous sommes passés de 150 q/ha en 2006 à 220 q/ha en 2009, c'est déjà bien et nous comptons passer à 400 q à l'hectare, ce qui n'est pas impossible puisque certains cultivateurs de la région ont déjà réalisé cette performance.» Poursuivant dans ce sillage, le DSA nous dira que la stratégie appliquée par ses services depuis bientôt 4 ans consiste à changer radicalement les systèmes de culture existants pour adopter des techniques modernes basées sur un itinéraire scientifique qui a déjà fait ses preuves. Itinéraire technique et semences Il y a quelques années, c'est plutôt les semences fixées cultivées en sec et en extensif qui occupaient 80% des superficies, alors que, depuis près de 3 ans, la tendance s'est inversée et ce sont aujourd'hui les semences hybrides qui occupent 50% des cultures en intensif avec l'introduction de l'irrigation, les conditions atmosphériques n'étant plus un paramètre déterminant sauf dans les cas d'inondations. L'itinéraire technique fortement conseillé et encadré par les techniciens et ingénieurs détachés par la Direction des services agricoles de la wilaya consiste en la généralisation de la semence hybride au rendement excellent, la généralisation de l'irrigation et des techniques modernes dans ce domaine, les techniques de repiquage et de récolte ainsi que l'utilisation des plants en motte qui garantit 100% de réussite avec, en plus, un gain de temps et de production. «Il est vrai que la semence hybride coûte cher ; le kilogramme se vend entre 15 et 20 millions de centimes, contrairement au prix de la semence fixée qui oscille entre 2 000 et 3 000 DA mais le rendement de cette dernière est très faible par rapport à la première. Il y a actuellement, poursuit le DSA, un programme de semences et de plants de tomate industrielle qui est développé par l'Institut de technologie des cultures maraîchères et industrielles [ITCMI] et la région de Annaba y participe au niveau de la ferme pilote Hemil Boubaker à Aïn Berda.» Cette stratégie, qui s'appuie essentiellement sur l'intensification de la culture de la tomate industrielle par l'augmentation du rendement à l'hectare, ne signifie nullement la réduction des superficies affectées à la culture de ce fruit, au contraire, elles permettront l'assolement des terres qui serviront à d'autres cultures telles que celles des céréales, des légumes secs ou des fourrages, avec un retour périodique à la tomate. «Il s'agit de protéger la filière tomate industrielle et l'Etat fait tout pour sauvegarder l'outil de production et de transformation de façon à arriver à une autosuffisance de ce produit et ne plus avoir recours à l'importation. Il ne faut pas non plus perdre de vue que cette filière emploie en haute saison près de 80 000 ouvriers agricoles qui ont acquis de l'expérience et qu'il faut préserver coûte que coûte. L'Etat est résolument décidé à prendre toutes les mesures à même de développer cette filière, à titre d'exemple, nous citerons les soutiens accordés aussi bien aux producteurs qu'aux transformateurs», nous explique M. Nasreddine Ayat. Soutien de l'Etat aux conserveurs et aux producteurs Ainsi, le 3 février en cours, une réunion regroupant l'administration, les délégués du ministère de l'Agriculture, les DSA de Annaba, de Guelma, de Skikda, d'El Tarf, les Chambres d'agriculture et les transformateurs, au cours de laquelle les discussions avaient porté, entre autres, sur le programme d'intensification, les moyens mis en œuvre pour sa réalisation, les soutiens consentis par l'Etat à cette filière ainsi que les difficultés rencontrées. Si, côté administration, les choses vont en s'améliorant, puisque le dispositif a été mis sur les rails et commence à porter ses fruits, il n'en est pas de même pour les conserveurs. Ces derniers se sont plaints de la perte de change subie dans les années 1990-2000, des taux d'intérêt élevés, de l'insuffisance des soutiens accordés et de l'absence de réseau de distribution pour la commercialisation de leur production. Quelques jours plus tard, une note émanant du ministère de l'Agriculture a rassuré les transformateurs; ladite note informe les conserveurs que parmi les dispositions prises pour la relance de la filière tomate industrielle figure en bonne place la prise en charge par l'Etat des frais de financement induits par le rééchelonnement des dettes des conserveries. Sur un autre plan et dans le but de renforcer et d'appuyer la production de la tomate fraîche, le programme de lutte contre la mineuse (Tuta absoluta), un insecte ravageur qui détruit les plants de tomates en creusant des galeries dans le fruit, les feuilles et les tiges, a été reconduit cette année. Son efficacité a été prouvée lors de la dernière saison et Annaba n'a pas du tout été touchée par ce phénomène. Cependant, pour éviter «toute mauvaise surprise», des pièges ont été installés au niveau des serres pour s'assurer que les plants ne seront pas touchés. «C'est très efficace comme moyen de lutte contre cette maladie qui atteint les plants et les détruit. Nous l'avons utilisé au cours de l'année dernière et pas un seul plant n'a été affecté, si bien que toute la wilaya de Annaba a été épargnée, et à travers laquelle il n'y avait plus de trace de cet insecte ravageur, contrairement à d'autres wilayas. J'espère que cette année, avec les mesures prises, nous n'aurons plus à gérer ce genre de problèmes», nous dira un pépiniériste. La production de la tomate a connu une courbe ascendante ces quatre dernières années, car les superficies consacrées à sa culture ont doublé du fait des soutiens accordés par l'Etat. En effet, en plus des 8 DA le kg, prix de référence que paye la conserverie, le producteur perçoit comme soutien déboursé par l'Etat 2 DA par kilogramme livré à la transformation. Le conserveur n'est pas en reste puisqu'il bénéficie de 1,50 DA par kilogramme transformé. Ce dispositif a boosté la production à tel point que l'on est passé de 850 000 quintaux en 2006 à plus de 1 million de quintaux en 2008, dépassant ainsi les prévisions du contrat de performance. La production en hausse L'année 2009 a été moins bonne et a vu chuter la production, qui avait atteint quelque 450 000 quintaux. La cause est que la pluviométrie a dépassé les prévisions saisonnières, ce qui a été catastrophique pour les cultures. En 2009, il a plu 1 100 mm d'eau, presque le double d'une pluviométrie normale (650 mm). Les eaux avaient stagné pendant près de 4 mois dans les zones de culture et l'accès aux parcelles pour le repiquage était quasi impossible et donc des centaines d'hectares cultivés ont été perdus. Cette année, avec le dispositif mis en place et le soutien technique, on compte sur une récolte record qui fera oublier cet «incident de parcours» subi l'année dernière. Actuellement, avec sa production, Annaba couvre 15% des besoins nationaux qui sont de l'ordre de 70 000 à 80 000 tonnes de concentré de tomate, c'est-à-dire près de 2 kg per capita/an. Selon le DSA, le gouvernement veut arriver à une production de concentré de tomate qui puisse couvrir entièrement le marché national pour ne plus importer ce produit de l'étranger.