Avec une récolte attendue de près de 500 000 tonnes, soit une baisse de 50% par rapport à l'année dernière, la tomate industrielle à Annaba commence à se relever doucement du cataclysme qui l'a terrassait depuis plus d'une décennie et qui avait failli faire disparaître toute une filière faisant vivre des milliers de familles. Avec ce chiffre, qui s'explique, selon les responsables des services agricoles de la wilaya, par la «forte réduction» des superficies consacrées à cette culture en raison des crues ayant sévèrement affecté quelque 3 000 hectares sur les 5 000 habituellement utilisés, on est encore loin de la période faste où l'on atteignait des pics allant jusqu'à 2 millions de tonnes. Mais au vu des mesures prises et des avantages accordés à la filière dans le cadre du Plan national de développement agricole (PNDA) et du Fonds national de régulation et de développement agricoles, la situation du secteur va en s'améliorant non sans quelques difficultés. Il faut dire que cette filière, qui couvrait les besoins nationaux à hauteur de 85% et avait connu un développement extraordinaire entre les années 80 et 2000, a eu, elle aussi, sa «descente aux enfers» avec une réduction de 90% des capacités de production. En effet, sur les 27 conserveries que comptent les régions de Annaba, d'El Tarf, de Skikda et de Guelma, 7 seulement sont restées en activité, les autres avaient fermé les unes après les autres, ne pouvant plus faire face à une concurrence déloyale fortement soutenue par une importation, la plupart du temps frauduleuse, de la conserve et du double et triple concentré de tomate. Les prix à la consommation proposés sur le marché par les importateurs avaient bloqué l'écoulement des produits locaux qui ne pouvaient soutenir cette concurrence par le fait qu'ils ne couvraient même pas les coûts de production des conserveries locales. Celles-ci avaient stocké pendant un certain temps, espérant la réaction des pouvoirs publics et ainsi une reprise, mais celle-ci ne vint pas et la situation empirait. Des centaines de camions et de tracteurs chargés de tomate durent rebrousser chemin parce que les transformateurs n'achetaient plus la production, craignant un stockage inutile. Les producteurs, ne sachant que faire, bradèrent leur production et la cédèrent à des prix insignifiants. D'autres la déversèrent sur la route menant à l'aéroport pour protester contre cette situation. Il fallut l'intervention de la gendarmerie pour disperser les manifestants et rétablir la circulation. Les conserveurs, eux, confrontés à des dettes, durent payer certains de leurs créanciers en… boîtes de conserve, libre à eux de les écouler sur le marché. Réduction des surfaces affectées à la tomate industrielle Les retombées de ce malaise dans la filière avaient été dramatiques pour des milliers de familles de la région vivant de la production de la tomate. Des ouvriers agricoles au chômage, la filière distribution à l'arrêt, les transporteurs, intermédiaires et revendeurs s'étaient reconvertis dans d'autres activités. Sur le terrain, les superficies affectées à la production de la tomate industrielle qui avoisinaient les 25 000 hectares s'étaient réduites comme peau de chagrin et ne représentaient plus que quelque 6 500 hectares répartis entre les 4 wilayas. Quelques agriculteurs avaient continué à produire malgré tout parce que ne sachant rien faire d'autre, ayant acquis une grande expérience dans la filière de la tomate industrielle. Il y a près de deux ans, la relance du secteur a amené les pouvoirs publics à introduire des mesures incitatives pour encourager les agriculteurs à revenir à la filière et y investir leur expérience accumulée depuis plus de 25. Une subvention de 10 000 à 15 000 DA par hectare travaillé dans toutes ses étapes et une prime de 1, 50 DA pour 1 kg livré à la conserverie ont été accordées par l'Etat dans le cadre du PNDA et du FNRDA. Ainsi certains agriculteurs ont repris la production. Selon la Direction des services agricoles de la wilaya de Annaba, 1 milliard 55 millions de dinars ont été investis par l'Etat dans le secteur de l'agriculture et ce, en dehors de l'effacement de toutes les dettes contractées auprès des banques. Près de 1 800 exploitations agricoles ont bénéficié de cette manne financière et l'on s'attend cette année à une production record qui réhabiliterait quelque peu la filière. La récolte de cette année aurait pu être meilleure si elle n'avait pas eu à subir des inondations, lesquelles ont détruit les plants de milliers de parcelles affectées à la production de la tomate industrielle.