Au niveau des Directions des services agricoles (DSA) des wilayas d'Annaba, El Tarf, Guelma et Skikda, régions où la culture de la tomate est très développée, que nous avons pu joindre par téléphone, on reste optimiste quant à la prochaine récolte de solanacées. Les estimations positives sont dues à «une plus grande surface consacrée à la production de la tomate industrielle : plus de 5 000 ha. De même, les pépinières assurent déjà les jeunes plants pour la mise en terre au mois de mars prochain. Il y a également un meilleur encadrement par les techniciens et agronomes détachés par les DSA auprès des agriculteurs», nous ont appris des responsables de ces DSA. Un de nos interlocuteurs nous a en outre indiqué que «si l'on ajoutait les fortes pluies enregistrées ces derniers mois à Annaba, des précipitations réparties régulièrement pendant la période de culture, cela allait forcément améliorer les rendements à l'hectare». Et de souligner : «Jusqu'ici nous n'arrivons pas à dépasser la barre des 130 quintaux par hectare (moyenne nationale) alors qu'une meilleure maîtrise de l'itinéraire donnerait un taux supérieur à 400 q/ha)». Nos interlocuteurs ont tenu également à nous rappeler que, dans leurs régions respectives, les cultures maraîchères, particulièrement la tomate industrielle, commencent à renaître après la crise qui a frappé le secteur ces dernières années et qui a vu la production réduite au minimum. En effet, l'importation abusive de tomate en conserve avait inondé le marché et avait conduit à la disparition de toute une filière qui employait près de 100 000 personnes, emplois directs, indirects et saisonniers. Ne pouvant faire face à cette concurrence, la douzaine de conserveries implantées dans la région avaient alors fermé l'une après l'autre et les producteurs, ne trouvant plus à qui livrer leurs récoltes, avaient dû déverser des tonnes de tomates parfois sur la route nationale pour protester contre cette situation. La plupart des producteurs, abandonnant la filière malgré la somme d'expérience accumulée pendant près de 20 ans, s'étaient reconvertis dans les céréales ou dans d'autres cultures jugées plus sûres. Aujourd'hui, grâce aux contrats de performance signés par la Direction des services agricoles (DSA) et les pouvoirs publics, la filière va être sauvée, du moins en amont puisqu'il question de soutenir la production à hauteur de 7 DA le kilogramme. En clair, il sera garanti aux producteurs des revenus même si leur production n'est pas entièrement prise en charge par les conserveries. Soulignons que, dans le cadre du contrat de performance, les prévisions de production à atteindre étaient de l'ordre de 1 million de quintaux de tomate industrielle qu'il fallait réaliser dans les délais. Les DSA de Annaba et d'El Tarf avaient alors (au début de 2009) réuni les agriculteurs en vue de relancer la production tout en la dotant de moyens techniques à même de réaliser cet objectif. L'itinéraire technique, l'introduction de la semence hybride, l'irrigation et le niveau élevé des exploitants ont fait que la production de la tomate a enregistré un saut quantitatif et qualitatif. En effet, les quotas fixés ont été dépassés de 100 000 quintaux. De ces volumes de récolte, une bonne partie n'a pas trouvé preneur vu le nombre réduit de conserveries encore en activité. La grogne enfle chez les conserveurs de tomate La colère des conservateurs tire sa raison du fait que la filière accuse depuis quelques années de sérieux revers commerciaux. «Dans un tel contexte, plusieurs de ces unités ont fini par mettre la clé sous la paillasson», est-il souligné dans un communiqué rendu public par l'Actom. Zaïm Mohamed Mencef, porte-parole du collectif des conserveurs de l'Est, n'a eu de cesse dans ses différentes sorties médiatiques d'expliquer les véritables raisons de la fermeture des conserveries. Selon Zaïm, le nombre de fermetures illustre tout le désarroi dans lequel se trouve la filière. Et de préciser à ce sujet : «Avec la récente faillite de quatre autres usines (entre 2007 et 2009), le nombre d'unités à l'arrêt total de toute activité est porté à 15 sur les 22 du pays. Et les menaces de subir le même sort pèsent sur le reste. Aussi l'association a-t-elle décidé enfin de briser le silence et accuse directement les institutions bancaires d'être derrière la ruine de la filière en raison de leur politique basée sur le clientélisme et le manque de transparence dans l'accompagnement des entreprises.» Non sans arguer également que «les conserveries n'ont cessé de subir de plein fouet depuis 1990 les conséquences du taux appliqué sur le crédit d'exploitation, fixé alors entre 17 et 23%. Du coup, la santé financière des conserveries n'a cessé de se dégrader. Autant d'entraves qui se sont traduites sur le terrain par une faiblesse sensible de la production nationale de concentré de tomate». Selon l'Actom, les importations ont connu une hausse fulgurante, passant de 2 600 tonnes en 2003 à 50 000 tonnes en 2009 avec l'allocation de l'équivalent du marché du concentré, soit 10 milliards de dinars, à l'importation de la boîte métallique du triple concentré. «Avec ce volume, on a abouti à l'absorption d'une bonne part de l'excédent des pays exportateurs, surtout la Chine, la Turquie et la Tunisie. A partir de ce tableau noir qui marque l'exercice 2009, l'association est résolument déterminée à dénoncer tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à la ruine du secteur du concentré de tomate, l'un des produits à très forte consommation (entre 270 à 300 DA/habitant/an)», a tenu à dire le porte-parole de l'association. Les institutions bancaires ont du reste tenté de s'en laver les mains en rappelant que de nombreux conserveurs auraient utilisé les crédits d'exploitation, les subventions de l'Etat et les bénéfices engrangés durant les années prospères dans l'achat de produits luxueux et de biens immobiliers, aussi bien en Algérie qu'à l'étranger. Aujourd'hui, il s'agit de savoir si le différend qui oppose les conserveries aux banques va enfin connaître son dénouement pour épargner aux producteurs de tomate industrielle les surplus de production au point de rendre vains tous les efforts consentis de leur part et par les pouvoirs publics pour augmenter la production et, par là même, réduire notre facture d'importation de cette denrée alimentaire. On le saura dans quelques mois. Z. A.