Faute de disponibilité assumée pour un dialogue sérieux susceptible de ramener un minimum de sérénité à l'école, les deux parties en conflit, à savoir le ministère de l'Education nationale et les syndicats autonomes, se livrent honteusement une sale et sordide bataille des chiffres. Les antagonistes oublient, ou feignent d'oublier, qu'ils sont en train de glisser un vrai problème vers la marge. Il est pourtant question de l'école, cette institution qui se porte très mal à tous les niveaux. Le constat de malaise devrait interdire à la tutelle toute évaluation du taux de suivi d'un mouvement de grève. L'interprétation ministérielle n'a plus de sens sur une contestation qui dure de plus d'une décennie. La bataille de la représentativité est à laisser aux organisations syndicales qui n'arrivent pas à converger sur le mode opératoire à même de faire aboutir les revendications d'une catégorie sociale qui sent davantage le mépris des pouvoirs publics. Le sentiment de mépris est par ailleurs renforcé par la chronique nationale qui se résume -signe d'un malaise profond- à des grèves à répétition et à une succession de scandales. Un faible taux de suivi d'une grève ne réduit pas la gravité de la situation qui couve dans notre école. Le ministre de l'Education nationale n'ignore pas les maux d'un département qu'il dirige depuis des années. Il n'est donc pas difficile d'expliquer la supposée faible adhésion des enseignants à la grève par la lassitude qui aurait atteint ces fonctionnaires constamment ignorés par l'autorité politique du pays. La persistance de la protestation devrait logiquement éviter, s'il reste encore un bout de bon sens chez les deux parties, cette gymnastique des chiffres et ses effets douloureux : plus on s'accroche aux chiffres, moins on traite le vrai problème. C'est à ce niveau d'objectivité que les responsabilités se rejoignent au-delà des motifs de l'adversité. Cette adversité risque de durer encore plus longtemps si la tutelle, premier responsable d'une telle situation, se refuse à apporter des solutions fiables aux vraies revendications des enseignants. La balle est dans le camp du gouvernement qui ne doit pas opposer la sourde oreille au cri de détresse des enseignants. Le constat est généralisable aux autres catégories sociales évoluant sous le régime de la fonction publique. Le problème que vit le secteur de l'éducation nationale tend à s'éterniser à force de voir les deux parties prendre goût à cette partie de chiffres. Un glissement qui contourne les questions centrales au profit d'appréciations marginales. Pendant ce temps, c'est ce qui reste de notre école qui perd son cours. A. Y.