Photo : S. Zoheïr Par Amel Bouakba Le conflit opposant les contestataires de la coopérative immobilière El Ihcène sise à Chéraga au président de celle-ci ne semble pas près de connaître son épilogue. L'affaire prend des allures «conflictuelles» et seule l'intervention des pouvoirs publics pourrait mettre fin au litige qui s'éternise. Des contestataires en colère sont revenus nous voir à la rédaction, exhibant une panoplie de dossiers. Ils ont tenu à apporter «un démenti formel, pièce par pièce, aux propos du président de la coopérative, en l'occurrence M. Mohamed Kaoula», qui, disent-ils, «est contradictoire dans ses dires». «Il parle tantôt d'un montant de 283 millions de centimes, tantôt de 329, 428 ou 420», s'insurgent-ils. Ils remettent en cause «les affirmations de M. Kaoula» selon lesquelles «aucun coopérateur n'aurait payé au-delà de 400 millions de centimes» pour bénéficier de son logement» dans le cadre de la coopérative El Ihcène. Preuve à l'appui, ils nous montrent des documents qui attestent leurs propos. «Dans l'acte notarié, il est précisé le montant de 293 millions», mais le prix des logements a été multiplié par trois ou presque, si l'on compte les sommes supplémentaires exigées par le président de la coopérative pour des travaux «chimériques», expliquent-ils. «Avec notre argent, il essaie de réaliser ses projets immobiliers et de mener un train de vie luxueux», ajoutent-ils. Selon leurs propos, «il serait en train de construire une villa à Aïn Benian et compterait plus de trois appartements à Chéraga, dans la coopérative, sans avoir payé un sou, de même que les membres du bureau». Ce que les coopérateurs contestent : «Le président et les membres de la coopérative sont censés être des bénévoles. De quel droit utilisent-ils l'argent versé par les coopérateurs.» S'agissant des assemblées générales devant se tenir régulièrement conformément au règlement intérieur, les coopérateurs affirment que la dernière a eu lieu en 2003. «Le président aurait falsifié des documents, notamment des P-V d'AG qui ne sont jamais tenues», ajoutent-ils. Selon eux, «de petites réunions sont improvisées par le président de la coopérative pour demander aux coopérateurs de payer de nouvelles charges». Les coopérateurs affirment que «M. Mohamed Kaoula justifie les sommes d'argent exigées à chaque fois par des travaux qui ne voient pas le jour». «Chacun de nous a été obligé de payer la somme de 72 millions pour la réalisation de la route devant desservir la cité, mais rien n'a été fait. Aujourd'hui, nous vivons avec des travaux en suspens en dépit des montants fréquents versés à la coopérative», témoignent-ils. Toutes ces irrégularités ont poussé les coopérateurs à demander des comptes au président de la coopérative : «Nous voulons savoir où va notre argent. Nous exigeons le bilan moral et financier, le certificat de conformité et une régularisation de nos papiers, ce qu'il refuse de nous accorder.» Selon eux, «il n'y a pas de transparence dans la gestion de la coopérative, le président aime entretenir l'opacité pour mieux se servir.» Dans ce sens, les contestataires sollicitent l'intervention des autorités concernées pour mettre fin aux abus, aux dépassements et aux pratiques douteuses dudit président qui n'a pas honoré ses engagements ni respecté le règlement régissant la coopérative : «Voilà maintenant trois ans que nous vivons dans un véritable chantier.» «Les appartements ont été livrés sans achèvement des travaux. Aujourd'hui, nous subissons les conséquences d'une mauvaise gestion, et ce n'est pas tout. Afin de faire taire le vent de la contestation qui souffle depuis quelque temps, le président de la coopérative mène une campagne d'intimidation contre nous», expliquent nos interlocuteurs, désemparés. «Il a coupé l'électricité, l'eau… et profère des insultes et des menaces à notre encontre», s'indignent-ils, précisant que «des personnes âgées, des moudjahidine et de enfants de chouhada ont fait l'objet de propos offensants». Ils remettent également en cause les allégations du président de la coopérative selon lesquelles ils seraient animés d'intérêts personnels : «Il dit que nous voulons revendre nos appartements. C'est aberrant et totalement insensé, puisque nous n'avons pas de papiers ; il n'a pas régularisé notre situation. C'est plutôt le président de la coopérative qui est en train de revendre les appartements en deuxième et troisième main à des prix exorbitants.» C'est dire si la grogne monte. D'ailleurs, elle a fini par gagner les bénéficiaires du projet de Sebbala de la même coopérative. Eux aussi dénoncent «les retards et les irrégularités constatés depuis le lancement du projet immobilier». «Ledit projet est monté depuis plusieurs années sans permis de construire», s'insurgent-ils. Ils nous racontent leurs déboires depuis le lancement de ce projet immobilier et le rêve d'avoir un toit. «Dans le contrat de réservation, il est précisé une durée de réalisation de 28 mois. Nous en sommes à dix ans d'attente.» Difficile de voir le bout du tunnel dans cette «brouille». «Cela fait dix ans que ça traîne. En mars 2009, nous avons demandé la tenue d'une AG pour avoir des éclaircissements sur tout se qui passe, mais nos exhortations sont restées vaines. Nous avons même demandé une audience auprès de M. Kaoula par la voie d'un huissier de justice, mais il n'y a pas eu d'écho», soulignent t-ils. A Sebbala, sept victimes sont venues témoigner de leur immense désillusion. En tout, 19 bénéficiaires d'un projet à Sebbala ont déposé une plainte auprès de la justice à l'encontre du président de la coopérative El Ihcène. «Il a été auditionné par le juge d'instruction pour escroquerie et faux et usage de faux. Le président de la coopérative aurait plus de 21 affaires en justice de ce genre.» Même son de cloche donc chez les protestataires de Sebbala qui «condamnent les agissements fluctuants» dudit président de la coopérative, lequel leur demande de payer «des suppléments d'argent injustifiés». «Sur quels critères s'est-il basé pour exiger ces incessantes augmentations. Nous ne sommes d'ailleurs jamais associés dans ce qu'il fait, contrairement à ce que prévoit la réglementation. Pis. M. Mohamed Kaoula n'a jamais représenté les intérêts des coopérateurs et n'a même pas été désigné à la tête de la coopérative dont il est président depuis 2002. Comment s'est-il retrouvé président», s'interrogent-ils encore. Concernant le site de Sebbala, ils confirment ne rien connaître des suites données au projet. Selon eux, «tout est flou. M. Kaoula a démarré son projet sans permis de construire et a faussé toutes les normes l'urbanisme. Il a d'ailleurs reçu des mises en demeure mais cela ne l'a pas dissuadé de poursuivre ses projets et d'accélérer la cadence du travail, faisant fi de toutes les normes requises dans le domaine de l'urbanisme. Initialement, 110 logements étaient inscrits dans le projet de Sebbala mais ce nombre a été doublé en 2009 pour atteindre 210, ce qui est contraire aux règles de construction puisque l'assiette foncière ne peut supporter plus de 110 logements». Les contestataires tirent à boulets rouges sur le président de ladite coopérative qui, selon eux, «fait la sourde oreille à leurs multiples réclamations». Ils dénoncent le fait que certains bénéficiaires aient été exclus de façon arbitraire et espérant que les autorités concernées prennent en charge leurs doléances le plus rapidement possible. A. B. Ne pas confondre professionnalisme et à-plat-ventrisme La Tribune avait traité l'affaire de la coopérative El Ihcène en essayant de contacter toutes les parties concernées. Le président de ladite coopérative était injoignable lorsque nous avons entrepris les démarches au début de l'enquête. Quand l'article a été publié une première fois, le président de la coopérative a contacté la Tribune où il a été reçu pour être entendu conformément à l'éthique professionnelle. A ce titre, un article contenant la version du président de la coopérative a été publié afin que l'opinion publique prenne connaissance de l'avis des deux parties. Après ce deuxième article, le président s'est permis de tenir des propos rapportés par les bénéficiaires de la coopérative avec lesquels il est en conflit. Ces propos portent atteinte à l'intégrité, à la probité et à l'impartialité de la Tribune qui n'est pas partie prenante du conflit. Pour le président de la coopérative El Ihcène, le fait d'avoir rendu publique sa version signifie que la Tribune «s'est couchée» et qu'elle aurait même présenté des excuses à ce monsieur. Manifestement, celui-ci en question confond professionnalisme et éthique que demandent le journalisme et l'à-plat-ventrisme. La Tribune reste debout et ne présente jamais d'excuses quand elle n'est pas en faute, encore moins pour avoir rendu public de façon objective un conflit qui oppose deux parties. C'est pourquoi, elle redonne une seconde fois la parole aux bénéficiaires de la coopérative El Ihcène et laisse le soin à la justice de trancher et de décider des droits et des obligations de chacune d'elles.