Ankara demande à Washington de bloquer une résolution qualifiant de «génocide» les massacres d'Arméniens sous l'Empire ottoman. Le texte voté la veille par une commission du Congrès américain pourrait nuire aux efforts turcs de réconciliation avec l'Arménie, a prévenu Ankara. L'adoption de la résolution par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants prouve que l'administration américaine «n'a pas suffisamment pesé» pour empêcher ce résultat, a estimé le chef de la diplomatie turque Davutoglu. En réaction, la Turquie a rappelé jeudi son ambassadeur à Washington après le vote en commission de la résolution par 23 voix contre 22. Le texte, qui n'a pas force de loi, appelle le président américain à «qualifier de façon précise l'extermination systématique et délibérée de 1 500 000 Arméniens de génocide». La résolution risque surtout de faire l'objet d'un vote devant la Chambre dans son ensemble. Mais cette prochaine étape dépend de la direction démocrate de l'assemblée. Cette dernière ne s'est jusqu'à présent pas engagée à faire adopter la résolution en séance plénière. Le ministre turc des Affaires étrangères a refusé de s'exprimer sur d'éventuelles mesures de rétorsion envisagées par Ankara. La Turquie reste un partenaire stratégique de Washington et membre de l'OTAN. Ankara a en revanche, prévenu que le texte ne saurait en aucun cas servir de levier de pression sur la Turquie dans les efforts de normalisation des relations avec l'Arménie. En effet, Ankara et Erevan ont signé en octobre deux protocoles prévoyant l'établissement de relations diplomatiques et l'ouverture de la frontière entre les deux pays. Cependant, leurs Parlements respectifs tardent à ratifier ces textes. Jeudi dernier, le président turc Abdullah Gül avait prévenu que «la Turquie ne serait pas responsable des conséquences négatives que ce vote pourrait avoir dans tous les domaines». Le vote a par ailleurs été accueilli favorablement par l'Arménie. Les Arméniens, représentés par une importante diaspora aux Etats-Unis redoublent d'activisme. Objectif : faire reconnaître comme «génocide» les événements entre 1915 et 1917, qui ont vu, selon la version arménienne, la mort de plus d'un million et demi de personnes. La Turquie admet qu'entre 300 000 et 500 000 personnes ont péri. Non pas à cause d'une campagne d'extermination mais victimes du chaos après la chute de l'Empire ottoman. La notion de «génocide» dans le cas arménien continue de partager. Le Parlement européen a reconnu le génocide arménien le 18 juin 1987. Cette question revient lors des débats concernant l'adhésion éventuelle de la Turquie et la conformité de la politique de l'État turc avec les «valeurs morales» de l'Union. M. B.