Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine A. Lemili Contracter une assurance est un acte volontaire auquel peu de nos compatriotes adhèrent. Mieux, même si cet acte volontaire, que nos lecteurs excusent l'incongruité, est obligatoire comme exigé par une réglementation que l'on peut qualifier, quitte à multiplier celles-ci (les incongruités), de nécessaire parce que ceux qui sont concernés se refusent adopter une attitude conciliante, pour ne pas dire raisonnable ou rationnelle, par rapport à une affaire qui les concerne en premier, mais pénalise plus l'Etat sinon le Trésor public une fois l'impondérable survenu.Alors qu'il est question d'agriculture ou de prévention contre les catastrophes naturelles, soulignons que la tradition chez ceux qui y ont le plus à perdre ne s'installe toujours pas. Cette réticence chronique est mise, honteuse hypocrisie ou bigoterie à la petite semaine, par les potentiels assurés sur le compte de l'impondérable divin (mektoub) contre lequel il relèverait de l'hérésie de s'opposer parce que c'est... écrit. C'est d'ailleurs ce que nous avons compris et qui nous a été confirmé lors de nos démarches auprès des organismes qualifiés. Mais autant le signaler, selon M. Belloum, directeur régional de la Caisse nationale de la mutualité agricole (CNMA), «une prise de conscience graduelle est perceptible parmi la corporation des agriculteurs. Il y a effectivement beaucoup de résistances et s'assurer ne risque pas de s'ancrer dans les traditions dans un très proche avenir, mais ces résistances commencent à prendre allure de réticence, ce qui est moindre et celle-ci pour plusieurs raisons. Quoi qu'il en soit, il est incontestable que, depuis deux ou trois ans, une dynamique est née, impulsée, nous ne vous le cacherons pas, par un travail à la serpe de l'administration de la CNMA. En fait, un travail de sensibilisation, d'explication, de vulgarisation du concept auprès des agriculteurs et des avantages évidents qu'ils peuvent en tirer». Pour notre interlocuteur, la pénétration de l'assurance agricole dans le corps de métier «va crescendo d'une manière globale». Comme l'Etat et/ou ses instruments d'exécution sectoriels est très impliqué depuis quelques années dans le développement de l'agriculture, soulignons qu'à 90% l'assistance financière qu'il apporte aux agriculteurs dans le cadre du RFIG est couverte. C'est, concrètement, plus de 60% de la surface céréalière emblavée dans la wilaya. Le reste concerne des activités annexes comme l'élevage ou même l'arboriculture. «La CNMA démarche ces opérateurs et leur explique dans les détails le gain à réaliser s'ils adoptent une couverture. Nous ne vous cacherons pas qu'il n'est pas facile de les convaincre mais concrètement, d'année en année, nous avançons. Nos agents s'évertuent à faire parce que c'est aussi le travail de la mutualité de convaincre les gens, de les protéger contre les risques et, surtout, de leur inculquer cette notion de mieux s'impliquer aussi bien dans la prévention des risques que de la lutte conséquente».Nous saurons effectivement auprès d'un cadre de la Direction de wilaya des services agricoles que «les céréaliculteurs, à titre d'exemple, ne prennent plus le risque de recourir à la location de moissonneuses-batteuses qui ne seraient pas couvertes par une police d'assurance. Compte tenu de la vétusté des engins, de nombreuses récoltes ont été dévastées parce qu'une fuite de carburant ou une étincelle s'échappant d'un faisceau électrique sont à l'origine d'un départ de feu».Dans ce même ordre d'idées, le premier responsable de la mutualité précisera que le plus important pour ses services est d'expliquer aux agriculteurs que «s'assurer ou assurer son investissement n'est pas une charge comme c'est un allègrement appréhendé par certains. C'est un outil complémentaire de développement, en ce sens qu'il permet de préserver le capital».S'agissant de la nature des risques encourus par l'agriculteur au niveau de la région ou, du moins, de la prépondérance de ceux (risques) de grêle ou d'incendie, notre interlocuteur considère que c'est beaucoup plus la deuxième hypothèse qui est à privilégier, puisque par expérience ce type d'aléa naturel (grêle) est plus ou moins très aléatoire contrairement aux risques d'incendie et ce, malgré le dispositif mis en place par les pouvoirs publics locaux et à chaque fois complémenté par de nouveaux artifices.A titre d'exemple, au cours de l'exercice écoulé, chaque moissonneuse-batteuse assurée était dotée par la CNMA, à titre gracieux, d'un extincteur. Autrement dit, au-delà d'assurer seulement, la mutualité jugeait opportun d'anticiper sur les évènements.Par rapport justement aux incendies, la caisse a déboursé au cours de l'année 2009 la somme de huit millions de dinars. Un montant qui, vraisemblablement, ne couvre pas forcément celui des assurances contractées. Paradoxalement, la période de couverture par l'assurance s'étale du mois d'octobre au mois de mars. Or, il est peu probable qu'un champ de céréales puisse être ravagé par un incendie au cours d'une saison de pluies, pas plus qu'il ne serait envisagé une canicule. Comme le risque de grêle n'est pas omniprésent, compte tenu des propos tenus par notre interlocuteur, cela expliquerait sans doute la réticence des agriculteurs à contracter une police d'assurance. Seul le cheptel peut être assuré durant toute l'année et l'arboriculture durant les mois de février et mars.Quant à l'assurance contre les catastrophes naturelles, même s'il existe quelques réticences, disons que l'obligation faite aux propriétaires de nouvelles constructions et grâce aux démarches qu'ils doivent emprunter pour valider leur investissement, notamment l'acte de propriété notarié, peu de personnes ont la possibilité de passer entre les mailles du filet. Quoi qu'il en soit, à hauteur de l'agence la plus importante de la CAAR ou du moins celle dont le chiffre d'affaires est le plus important sur la place, nous saurons auprès de son responsable, en l'occurrence M. Mamache, que, si l'assurance contre ce genre de risques est, après le séisme de Boumerdès, devenue obligatoire il n'en demeure pas moins que «jusqu'à présent, l'agence n'a pas été confrontée à des dédommagements imputables à des évènements naturels du genre évoqué». D'où, d'emblée, l'impossibilité de faire le rapport entre la dimension des recettes enregistrées auprès des assurés et des charges induites par les remboursements. De toute évidence et à titre comparatif, toujours quant à la prépondérance des risques majeurs encourus, la ville de Constantine étant située sur une faille importante, l'aléa le plus probant reste forcément... le tremblement de terre. Mais nul n'en est encore là.Cela étant, le plus important aux yeux des assureurs, lesquels, en fait, ne traduisent que les appréhensions des pouvoirs publics, est de contractualiser les constructions achevées et, surtout, celles abritant des activités industrielles, en ce sens qu'il s'agit encore une fois «pour l'Etat d'inculquer à l'investisseur la prévention contre les risques de son investissement», autrement dit, la préservation d'un outil de travail essentiel pour son propriétaire et plus particulièrement pour la main-d'œuvre employée et donc la préservation ou pérennisation de l'emploi que les institutions concernées de l'Etat se feront une obligation de renouveler en cas de préjudice. Cela dans le cadre de la solidarité nationale en vertu de laquelle il (l'Etat) s'est engagé en en faisant son produit. Les assurances, toutes enseignes confondues, ne faisant que la collecte financière en ses lieu et place via ce que notre interlocuteur nommera «des provisions». Le paramétrage des coûts de couverture d'assurance obéit à des considérations techniques que M. Mamache estime rébarbatives pour un profane et qu'il n'est pas nécessaire de détailler. En tout état de cause, la police d'assurance est calculée sur la fréquence prononcée d'un risque par rapport à un autre selon les régions : tremblement de terre, glissement de terrain, inondations, etc.