Une chose est indéniable : le football est pour les Algériens la seule lueur d'espoir et l'unique source de joie dans un quotidien frustrant. Une sorte de compensation face à toutes les difficultés. «Le football est la seule activité qui nous permet de supporter les vicissitudes de la vie, les difficultés quotidiennes dans lesquelles nous vivons et les jours sombres qui nous attendent. N'avons-nous pas le droit de rêver ?» s'interroge Nassim, jeune supporter de l'USM El Harrach, employé dans une société comme agent de sécurité. Mais est-ce une raison pour créer toute cette tension, pour déserter les stades ? «On a oublié qu'il s'agit tout simplement de sport, d'un match entre deux équipes censées offrir du plaisir aux fans. Les fans du foot proposent des tactiques et comparent les autres supporters à des ennemis», s'indigne Rabah, un quinquagénaire, commerçant de son état. En Algérie, l'ambiance dans les stades n'est plus ce qu'elle était. Les fans de l'équipe comparent leurs joueurs à des commandos. Et le ton est au défi. «Pour eux, c'est surtout une question de ‘‘nif'', ils doivent gagner», lance Omar, un supporteur endurci adossé à sa table de cigarettes. Les supporters de l'équipe adverse, fous de rage, ont, à leur tour, répondu par une série d'attaques et des chants offensants, adoptant un ton plus acerbe. Une ambiance tendue qui a poussé d'autres supporters invétérés à entreprendre des initiatives visant à calmer les esprits. Des actions visant à exprimer leur rejet du fanatisme et à mettre l'accent sur les liens chaleureux qui unissent les galeries, avec comme objectif d'aider les gens à prendre conscience. Dans les cafés, les restaurants et autres lieux publics, les interrogations et les craintes ne manquent pas. Les proches des clubs, les comités de supporters en sont conscients et ils reviennent, à travers ces déclarations, sur les véritables raisons de désertion de stade, cette crainte de se faire tabasser, insulter, malmener, sans toutefois pouvoir pourtant assister à une belle rencontre. Loin des jugements parfois subjectifs et malintentionnés de certains supporters, nous avons recueilli l'avis de ceux qui sont, ou qui étaient il y a peu de temps, directement concernés par les affaires du club, en particulier les comités de supporters ou les stadiers. «Même si certains présidents ont opté pour l'entrée gratuite, cette initiative n'a pas fait revenir le public au stade», nous lance Hamid, un ultra de la JSK. «En bon gestionnaire, c'est déjà dégradant de l'annoncer ainsi, voire vexant». Le public apprécie le beau football, aime voir son équipe s'imposer et gagner. Pour ce faire, la présence de grands joueurs est indispensable car elle draine les supporters. «En 2005 et en 2006, le public était revenu en force car les effectifs des clubs étaient impressionnants», ajouta Saïd «Pelé», un ancien du MC Alger. «Au cinéma, lorsqu'on projette gratuitement un film de bas niveau, sans véritables stars, personne ne vient le voir. En football, c'est la même chose car il s'agit en premier lieu d'un spectacle. Malheureusement, on a laissé partir les meilleurs joueurs pour renflouer les caisses et on a procédé à un recrutement catastrophique et très mal étudié. C'est évident. Lorsqu'une équipe perd toute sa colonne vertébrale, elle ne peut pas aspirer à aller très loin. Elle ne peut offrir le spectacle attendu par le public qui sait discerner les bonnes choses des mauvaises. C'est tout à fait normal. Pourtant, certains bureaux, à l'image de celui NAHD, a hérité d'une équipe très compétitive qui a terminé sa saison à une place honorable et fait un bon parcours en Coupe d'Algérie», rétorque Chemsou, un mordu du Nasria. C'est dire si la matière première était disponible, mais on n'a pas su en profiter. Ils ont décidé de laisser partir les meilleurs joueurs. Ils en ont recruté 19 autres. Pourtant, la vocation initiale du NAHD était la formation. Le club d'Hussein Dey a toujours puisé dans son vivier local. Comment peut-on bâtir une grande équipe lorsqu'on fait le vide d'une telle façon ? Pourtant, l'équipe n'avait besoin que d'un grand régisseur pour devenir très compétitive. Avec tous ces départs, le Nasria n'était pas capable de s'imposer ni de jouer de manière offensive et c'est ce qui explique son rendement et les résultats acquis, fort modestes du reste. D'ailleurs, on commence à avoir l'habitude de recruter des joueurs pour seulement une ou deux saisons, qui partiront au moment où ils commenceront à trouver leurs repères et le club n'en profitera finalement jamais. Le résultat est là pour confirmer les dires avec un échec total : «des stades vides, sonnant et résonnant comme les cloches des cathédrales», conclut Sid Ali, un autre féru du Milaha. A. R.