Photo : Riad Par Lakhdar Siad Nos stades ne sont plus cette destination hebdomadaire des amoureux du football depuis au moins une décennie. La plupart des vrais supporters ont fui les gradins et cédé leur place à des cohues de jeunes gens qui confondent sport et violence, spectacle et fair-play et envie de gagner et de prendre le dessus honnêtement. Le tout sous les yeux passifs et la fuite en avant des tutelles sportives en haut niveau et, à l'échelle locale, l'irresponsabilité et les complicités d'individus en charge d'assurer la sécurité et le beau spectacle sur et en dehors du terrain. La désertion des stades de football n'est pas encore la règle chez nous en Algérie mais ce ne sont pas les rares matches décisifs entourés d'une couverture médiatique extrême de l'équipe Algérie lors des qualifications jumelées CAN-Mondial 2010 qui démentiront ce constat désolant attendu des observateurs en raison de la circonscription immédiate de ces matches événements dans le temps, contrairement aux compétitions algériennes continues ou saisonnières qui sont un véritable baromètre. Les plus optimistes des observateurs trouveront prétexte dans la multiplication, depuis le début des années 1990, des cadres d'expression pour une population en manque de liberté d'expression dans les espaces dédiés théoriquement à ce genre d'activité. De ce fait, les stades ne sont plus cet exutoire exclusif qui permet aux masses de dire ce qu'elles pensent des politiques économique et sociale menées par les pouvoirs publics et des dénis identitaire, linguistique et culturel imposés au peuple algérien dès la fin de la guerre d'Algérie en 1962. Mais cette explication ne peut pas à elle seule expliquer l'affluence de plus en plus faible même lors de derbys de premier ordre qui tenaient en haleine il n'y a pas si longtemps des régions entières durant les semaines qui précédaient la rencontre. La violence dans les stades, phénomène pris très au sérieux par les plus hautes autorités ailleurs dans le monde parce que contraire aux préceptes du sport et qui s'est de plus avérée porteuse de dangers souvent mortels sur les supporters, sans compter ses retombées négatives sur les rentrées d'argent des clubs, pourrait être classée en tête des nouveaux comportements qui entravent systématiquement l'accès au stade, quelles que soient les garanties d'avant match que pourrait supposer par exemple la présence en force de la police aux alentours et à l'intérieur du stade. Ce n'est pas dans une ambiance faite de craintes sur sa vie qu'on verrait les gradins se remplir chaque week-end. Les vols à la sauvette, ceux suivis de coups et blessures, les insultes et les agressions en tout genre n'attirent en dernier lieu qu'une certaine catégorie de «supporters» qui trouvent leur compte dans cette anarchie. L'absence de réaction appropriée des institutions de l'Etat concernées par cette menace permanente sur le sport et même sur la vie de la population ne présage rien de bon dans ce domaine. Se résoudre à soigner la violence dans les stades par la violence policière est un autre aveu d'échec. Une matraque et des gaz lacrymogènes ne peuvent pas remplacer des campagnes de sensibilisation, des politiques de prévention du phénomène, un large débat public sur la question, etc. La place de l'argent dans la société actuelle a aussi son rôle, sachant le train de vie qu'affichent certains joueurs et les valeurs des transactions dans le recrutement des joueurs les plus en vue par les présidents des clubs «riches». Cette pollution du football par l'argent ne donne pas envie d'aller au stade pour une population aux prises avec les problèmes de chômage, de mal vivre et de pauvreté. Surtout que, souvent, ce rythme de vie de quelques joueurs les plus cotés n'est pas en cohérence avec leur niveau technique et leur rendement sur le terrain. Alors à quoi bon aller au stade pour une piètre prestation où les «meilleurs» joueurs ne mouillent pas leur maillot, se disent beaucoup de supporters qui assistent au médiocre spectacle dans des infrastructures qui ne répondent pas aux normes, dont des gradins non couverts et les risques et danger de mort à cause de la vétusté du bâti des lieux. Aussi, les médias spécialisés, les tabloïds… les comités de supporters à la solde de l'entourage des responsables de club et qui ne jouent pas le jeu ou ignorent leur rôle dans ce genre de structures vident les stades. Pour se soulager de cette «frustration», les amoureux du foot et les sportifs, chez eux, entre copains ou dans les cafés populaires, se tournent vers les chaînes TV étrangères pour savourer gratuitement le beau jeu en toute sécurité.