Photo : S. Zoheir Par Salah Benreguia Les industries agroalimentaires représentent des enjeux vitaux. Du traditionnel enjeu financier à la disponibilité des pprovisionnements en qualité et en quantité, le temps est maintenant à la sécurité. En effet, la récente raréfaction des produits alimentaires et les hausses des cours, aussi vertigineuses que violentes, ont plongé toute la planète dans une crise sans précédent. Les chiffres des différents organismes internationaux parlent d'eux-mêmes. Les stocks mondiaux de céréales ont baissé depuis 8 années consécutives et n'assurent plus à la population mondiale qu'une marge de… 20 jours d'alimentation, soit largement en deçà du niveau souhaitable de sécurité fixé à 70 jours. Aujourd'hui, plus de 925 millions de personnes souffrent de la faim à travers la planète et ce nombre s'accroît de plus en plus vite. Le FAO a même annoncé que plus d'un milliard de personnes sont sous-alimentées. Pis, les spécialistes en la matière affirment qu'en plus de la hausse des prix des matières premières et de la raréfaction de l'eau et des surfaces arables, en passant par les ravages causés par les dérèglements climatiques, deux phénomènes se sont ajoutés à cette triste liste. Il s'agit de l'accélération brutale de la demande mondiale et de la montée en puissance des biocarburants qui n'est certes pas encore à son apogée mais qui a commencé néanmoins à redessiner en profondeur la carte de l'agriculture mondiale. Quid de notre pays ? L'Algérie, qui fait partie des pays dépendants sur le plan alimentaire, subit de plein fouet les changements enregistrés sur les places boursières. Un autre facteur aggravant la donne est celui du volume des importations et de la production nationale. A ce propos, les experts parlent désormais de la nécessité, voire de l'urgence d'une démarche stratégique visant à développer les industries agroalimentaires. Et pour cause, le choc consécutif à la hausse effrénée des cours des prix alimentaires sur les places boursières internationales a été d'une telle violence que certains se sont même interrogés sur les capacités futures des marchés internationaux à assurer des approvisionnements en nourriture suffisants et à des prix abordables. En termes chiffrés, les importations alimentaires ont atteint 8 milliards de dollars en 2008. Ce chiffre doit être porté à 12 milliards de dollars lorsqu'on inclut les consommations de l'amont agricole (facteurs de production) et industriels (biens d'équipements et demi-produits). Ce sont donc plus de 12 milliards de dollars qui sont nécessaires pour rendre disponibles chaque année les produits alimentaires. Les exportations agricoles rapportaient pendant la même période 119 milliards de dollars, dont moins de 10% de produits élaborés. En Algérie, il y a lieu de noter également que les exportations des produits agroalimentaires restent marginales alors que le Maroc, avec plus de 2 milliards de dollars, réalise plus de 20% de ses exportations dans ce secteur. Ces exportations ne représentent que 0,15% des exportations totales et 6,1% des exportations hors hydrocarbures. Elles ne couvrent en fait que 1,5% des importations de biens alimentaires. C'est en tout cas devant cet état de fait que les premières Assises nationales sur les industries agroalimentaires se sont tenues récemment à Alger. En l'absence des patrons des grandes entreprises opérant dans ce secteur (certains ont été représentés par leurs subalternes), ce rendez-vous a été chapeauté par le département de Temmar. Pour le ministre, ces assises sont placées sous le sceau de la sécurité alimentaire et de la contribution que les IAA algériennes sont amenées à apporter pour la consolider. Ce qui ressort en grande pompe durant cet évènement est qu'un programme de développement national des industries agroalimentaires (PNIAA) sera opérationnel avant la fin de l'année en cours pour s'étaler jusqu'en 2014. La démarche adoptée par les pouvoirs publics concernant ce secteur sera élargie à dix autres activités industrielles, notamment celles retenues dans le cadre de la stratégie industrielle et ce, par l'élaboration de documents de stratégie spécifiques à chacun d'eux. Sous forme d'un projet, le programme de travail, qui est également «structuré autour de l'instrumentation du dispositif institutionnel de pilotage, la mise en place de leviers de compétitivité, le développement des activités d'agro-fourniture, de l'amont jusqu'à la transformation, l'encadrement du marché et le renforcement des compétences et des qualifications dans les IAA», sera soumis au gouvernement afin que soient prises les mesures adéquates pour sa mise en exécution, une fois adopté par les parties prenantes à l'issue de ces assises, ajoute plus loin la même source. La principale finalité de cette stratégie est, selon le ministre, «d'améliorer sensiblement l'offre nationale de produits agricoles transformés et de favoriser la promotion des IAA». Concernant le contenu de ce programme, il est articulé sur plusieurs axes. Il s'agit de l'intégration de la production nationale et de sa substitution aux importations, du la promotion des exportations et au positionnement des produits à l'international, du renforcement des compétences et des qualifications au niveau des industries agroalimentaires (IAA) et de la mise en place d'un cadre institutionnel de coordination et d'harmonisation des politiques publiques. Le plan vise également à densifier le tissu industriel des IAA à travers la création de 500 entreprises au sein d'agropoles entre 2010 et 2014 et la création de 100 000 emplois jusqu'à 2014. «L'enjeu des exportations hors hydrocarbures est lancinant et les IAA doivent jouer un rôle majeur à cet égard», a-t-il soutenu. Pour lui, la réhabilitation de l'industrie agroalimentaire algérienne «doit redevenir un enjeu national», d'où la nécessité d'avoir défini jusqu'à l'horizon 2014 le PNDIAA et de «lancer de manière coordonnée et systématique» une série d'actions visant à développer ces industries. Il est utile de rappeler dans ce sens que la présentation des rapports des différents ateliers mis en place en vue de définir les actions prioritaires pour assurer la promotion de ces industries, a mis en lumière certains points. A titre d'exemple, concernant les instruments de pilotage définis dans le document de référence élaboré par le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements pour la mise en œuvre du plan de développement des IAA, les participants à ces assises ont souligné la nécessité de créer des mécanismes de coordination et de concertation intersectorielle comme gage de réussite et de créer également un centre technique logistique global intégré. L'accent a été également mis sur la démarche à suivre pour garantir la réussite du plan national d'appui aux IAA et qui doit être «participative, multisectorielle, prospective et opérationnelle». Pour prendre en charge la question des leviers de compétitivité visant à encourager les secteurs porteurs de développement des IAA, ils ont préconisé la mise en place d'un fonds spécial de soutien (FSSIAA), le renforcement des capacités de gestion des entreprises agroalimentaires et la création d'un fichier des compétences, insistant sur l'importance d'accompagner la réalisation des technopoles par un appui de l'Etat. Abordant le volet de la mutualisation et la mise en réseau des entreprises, les participants à cette rencontre ont estimé nécessaire de créer une base de données de recensement des transformateurs, agriculteurs et distributeurs. Dans ce sens, le lancement d'enquêtes et d'études sur les filières agricoles, la création d'un observatoire de filières et de territoires, la définition d'un schéma directeur pour l'activité de la transformation, la création de plateformes logistiques en amont et en aval et la réhabilitation et la création des zones industrielles réservées aux IAA, ont été vivement suggérés. Pour ce qui est de la problématique de l'intégration de la production nationale, les professionnels de l'industrie agroalimentaire ont recommandé la valorisation des matières premières nationales et leur industrialisation, ainsi que la mise à niveau technologique des entreprises. L'autre recommandation a trait à la mise en place d'un dispositif d'appui encourageant les entreprises à intégrer dans leurs processus de production des produits de base nationaux en substitution aux importations et la contractualisation des rapports entre producteurs et transformateurs. L'autre point soulevé est la nécessité de renforcer les capacités d'exportation des entreprises à travers la création de consortiums d'exportation par filière, d'un centre technique d'appui aux entreprises, l'amélioration de l'image des produits agricoles, agroalimentaire et de pêche, la mise en place d'un dispositif pour faciliter l'accès au marché international et l'organisation de partenariats internes et étrangers. S'agissant du volet encadrement et régulation des marchés, les participants aux assises ont affirmé l'importance de dynamiser les organismes d'intervention sur le marché, de la création d'un observatoire des prix et de la création d'un fonds spécial de régulation des marchés.