Pour un corps palestinien agonisant, les Arabes préfèrent différer le diagnostic. En organisant leur 22ème sommet à Syrte, en Libye, les pays membres de la Ligue arabe savent pourtant que cette réunion intervient dans des circonstances particulières pas seulement pour eux, mais essentiellement pour le plus fragile d'entre eux, la Palestine.Et au lieu de se montrer ne serait-ce qu'une fois décisifs, les pays arabes ont donc fait le contraire. Les intérêts ayant pris le dessus, ils ont abandonné la Palestine dans son agonie. Preuve en est que quelques heures après la clôture d'un sommet aux allures beaucoup plus festives que décisionnelles, Israël s'est encore une fois montré arrogant en filtrant l'accès aux Lieux saints d'El Qods. Il est vrai que les dirigeants des pays membres de la Ligue arabe ont, pour une fois depuis très longtemps, pris des semblants de décision. Même si, là non plus, il ne faut pas s'attendre à des miracles. A commencer par cette saisine –réclamée par plusieurs pays, dont l'Algérie- des juridictions internationales quant aux «agressions israéliennes», notamment contre les Lieux saints. Seulement, cette décision risque, encore une fois, de rester lettre morte pour la simple et unique raison que la majeure partie des pays membres de la Ligue arabe n'ont pas ratifié la création de la Cour internationale de justice et du Tribunal pénal international, ce qui fera de la saisine un non-sens. L'entreprise pourra être faite par un seul Etat. Mais là aussi, il faut compter sur les calculs internes qui font qu'aucun Etat de la région ne pourra assumer une brouille avec l'Etat hébreu et, partant, avec les Etats-Unis et les autres puissances occidentales. Ni Amr Moussa, l'inamovible secrétaire général de la Ligue arabe ni des diplomates présents au sommet de Syrte n'ont abordé cette lancinante question. Cela malgré l'insistance, depuis de longues années, de ce que le «monde arabe» compte de société civile. Cette dernière a réclamé ne serait-ce qu'une saisine des instances juridiques internationales pour contrecarrer les exactions israéliennes. En vain. Certains des pays ont même bloqué des entreprises du genre enclenchées par des associations et des organisations non gouvernementales. Parmi les Etats membres de la Ligue arabe, deux, au moins, entretiennent des relations diplomatiques régulières avec l'Etat hébreu. Il s'agit de l'Egypte et de la Jordanie. Mais ces deux pays refusent catégoriquement d'entendre parler de la remise en cause de cette relation fusionnelle avec le voisin israélien. Et la demande du président syrien Bachar El Assad dans ce sens n'a pas été suivie d'effet, tout comme sa recommandation faite aux Palestiniens de reprendre officiellement les armes pour lutter contre Israël. Encore des agressions… L'autre décision prise lors de ce sommet concerne la création d'un fonds de solidarité avec El Qods. Ce fonds, qui sera doté de 500 millions de dollars, aura pour mission de contribuer à la reconstruction des Lieux saints (musulmans et chrétiens) endommagés par Israël dans son entreprise de destruction. Car, ces derniers temps, Tel-Aviv entreprend de creuser des tunnels sous l'esplanade des Mosquées, prétextant des fouilles archéologiques. La dotation de ce fonds, s'ajoutant à la Fondation El Qods qui existe déjà, est un service minimum pour des pays qui se revendiquent, tous, de cet héritage humain. L'autre décision –s'il en est une- sortie de cette rencontre panarabe est l'organisation d'une conférence internationale consacrée à la ville sainte. Mais si le principe est retenu, la date et le lieu de sa tenue, tout comme la qualité des présents, n'ont jamais été indiqués. «La reprise des négociations requiert l'arrêt total des activités de colonisation israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est», ont simplement plaidé les chefs d'Etat réunis qui ont demandé un calendrier précis. Mais cela n'a pas pour vocation de régler la situation sur le terrain. La preuve que les pays arabes n'ont plus le poids nécessaire, c'est que, juste après la fin de leur réunion, Benyamin Netanyahou a été catégorique : son pays n'arrêterait pas les activités de colonisation. Autrement dit, le chef du Likoud ne semble même pas intéressé par une éventuelle offre de dialogue et préfère donc le pourrissement et l'arrogance. Cela malgré des appels du pied du président américain, Barack Obama, et d'autres dirigeants occidentaux. Mais ce ne sont, en fait, que des appels, puisque, sur le terrain, chaque jour qui passe amène son lot de malheurs pour les Palestiniens. Hier encore, l'armée israélienne a imposé une restriction d'accès à l'esplanade des Mosquée, au motif de prévenir tout débordement avant une fête juive.La situation n'est guère meilleure dans l'autre bout de la Palestine, Ghaza. Puisque l'armée d'occupation a entrepris, depuis dimanche dernier, une incursion à l'intérieur des territoires autonomes. La veille, deux militaires israéliens avaient été tués par les résistants palestiniens lors d'échanges de tirs. Mais la répression israélienne n'a pas tardé pas à s'abattre sur les populations civiles, comme à chaque fois. Plusieurs blessés ont été enregistrés, au moment où les soins sont difficiles à prodiguer dans une région qui paie encore les destructions de l'hiver 2008-2009. Et pour ne rien arranger à la situation, le chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou, a indiqué dimanche dernier qu'il y aura «une réplique automatique» à ce qu'il qualifie d'«agression» palestinienne. C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! En attendant, donc, les décisions «prises» par les Arabes et le réveil de la communauté internationale, la «Palestine trahie» souffre le martyre. A. B.