Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar Depuis une semaine, la rue ne parle que de cela. Le sujet du passeport biométrique défile sur toutes les lèvres. Il suscite moult interrogations. Les mesures de son application n'ont laissé aucun Algérien indifférent. Des documents exigés aux questions posées sur le formulaire de la demande, les discussions des citoyens sont largement nourries par l'élaboration de ce nouveau passeport biométrique. Chacun y va de son commentaire. Ce passeport a, néanmoins, sidéré plus d'un. Et pour cause, «jamais je n'aurais cru que l'Etat va aller jusqu'à me demander le nom de mes amis et de mes collègues pour un passeport», s'exclament de nombreux citoyens interrogés à ce sujet. Etonnement, inquiétude, il est difficile en réalité de décrire les sentiments qui ont pris d'assaut les Algériens depuis la mise en place du passeport biométrique dans 64 daïras pilotes. En tout cas, le scepticisme et la méfiance règnent dans tous les esprits. L'incompréhension aussi. «J'espère que cela ne suscitera pas la cacophonie. Déjà que nos administrations sont compliquées, alors il ne faut surtout pas enfoncer le citoyen avec de nouvelles procédures», affirme un cadre retraité. Son jeune fils s'inquiète, lui, sérieusement depuis qu'il a lu qu'un encadré est réservé au service national sur le formulaire de la demande. «Moi, je n'ai pas passé mon service national. Cela signifie-t-il que je n'ai plus le droit au passeport», s'interroge-t-il. «Je ne comprends rien à ce document. D'où est-ce que je vais ramener cet acte de naissance numéro 12-S ? A la mairie, tout le monde m'a dit qu'ils ne le connaissent même pas. Alors de quoi parlent-ils ?», nous apostrophe un autre jeune. Son amie, un beau brin de fille portant le foulard, considère pour sa part que ces nouvelles mesures portent atteinte à la liberté de l'individu. «Si une femme ne veut pas se dévoiler, au nom de quoi faut-il l'obliger ? Cela reste une conviction personnelle que l'Etat doit respecter. On ne peut pas tout justifier au nom de la sécurité», estime-t-elle. D'autres filles voilées se montrent, quant à elles, plus souples et compréhensives. «Moi, cela ne me dérange pas, car au fond le problème est ailleurs. On nous demande trop de documents et, sincèrement, on s'ingère dans notre vie privée en nous demandant les coordonnés et les noms de nos amis et collègues. Pour moi, cela n'est nullement de la modernisation du service public. C'est une intrusion dans la vie privée», estime Yasmine, étudiante à la faculté centrale. Ce point de vue est partagé par une majorité de ses amis qui aimeraient bien comprendre pourquoi tous ces détails sont importants aux yeux du ministère de l'Intérieur. Celui-ci a fourni des explications récemment. Mais celles-ci n'ont pas convaincu la rue. En attendant, chacun temporise pour voir comment vont évoluer les choses. Certains ont même franchi le pas en allant déposer leur dossier pour renouveler leur passeport. En tout cas, quoi qu'il en soit le passage au biométrique a commencé d'ores et déjà a bouleverser les mentalités, les habitudes et les comportements. Mieux, il a délié les langues des Algériens…