Décidément, le grand cafouillage entretenu par les pouvoirs publics autour de la mise en place du passeport biométrique prend des proportions alarmantes. Et pour cause, après la récente polémique portant sur le hidjab des femmes et la barbe des hommes, le nouveau formulaire pour la demande du passeport et de la carté d'identité biométriques, mis en ligne à partir d'hier sur le site Internet du ministère de l'Intérieur (www.interieur.gov.dz) a suscité davantage d'interrogations au sein de la population. En effet, nombreux ont été les Algériens qui n'ont pas compris le bien-fondé de plusieurs informations exigées par ce formulaire, lequel comporte, précisons-le, pas moins de dix pages. Il faut savoir d'abord que les nouvelles procédures de demande de passeport biométrique sont entrées en vigueur dimanche dernier. Le ministère de l'Intérieur a rendu public hier un communiqué informant les citoyens de la mise à leur disposition des numéros de téléphone pour prendre rendez-vous auprès des daïras pilotes et circonscriptions administratives pour les demandes de passeport biométrique. En tout et pour tout, 63 circonscriptions administratives et daïras pilotes réparties sur 11 wilayas sont concernées par cette opération pilote. Le citoyen doit ainsi appeler par téléphone la daïra pour prendre rendez-vous et accomplir la procédure nécessaire. Cela dit, le citoyen est invité à télécharger lui-même le formulaire de demande et à se présenter ensuite avec toutes les pièces à fournir. Et c'est à partir de là que le chemin de croix commence pour le simple et modeste Algérien. Celui-ci doit ainsi disposer de l'extrait de naissance du père et de la mère, d'un certificat de résidence datant de moins de trois ans, d'une fiche individuelle, d'une attestation de travail ou d'un certificat de scolarité, etc. Bref, au moins 12 pièces administratives sont exigées pour décrocher le précieux sésame biométrique. Tout un parcours chaotique au cœur de notre légendaire bureaucratie sera dès lors imposé aux Algériens. Jusque-là, tout paraît normal et habituel. Reste seulement à signaler que l'extrait d'acte de naissance spécial n° 12-S demandé aux citoyens commence dès maintenant à provoquer leur colère. Pour obtenir ce document auprès de sa mairie natale, le registre d'état civil ne suffit plus. Il faut qu'un répondant se déplace avec vous pour confirmer bel et bien votre identité. C'est à croire que les services de l'état civil n'ont plus la confiance du ministère de l'Intérieur puisqu'il faut désormais qu'une tierce personne atteste de votre identité. Cette interrogation hante en tout cas l'esprit de nombreux citoyens qui ont pris connaissance hier du contenu du formulaire de la demande du passeport et de la pièce d'identité biométriques. Il leur est, en effet, demandé que toutes les informations déclarées à propos de leur état civil doivent être confirmées par un répondant, à savoir une personne qui connaît personnellement le demandeur du passeport depuis au moins deux ans. Celui-ci s'engage à confirmer l'identité du demandeur et toutes les informations que celui-ci a rapportées dans le formulaire. Un espace dans ce formulaire est aussi réservé au répondant qui doit non seulement décliner son identité mais aussi préciser son lien avec le demandeur du passeport biométrique. Et gare aux tricheurs car le requérant comme le répondant risquent de sérieuses menaces pénales pour toute fausse déclaration. Compliquée, confuse, aberrante, les adjectifs n'ont pas manqué en ce qui concerne cette procédure. D'aucuns n'ont manqué de relever la bizarrerie quant au répondant devant confirmer l'identité du demandeur du passeport ou de la carte d'identité biométriques alors que celui-ci a présenté auparavant dans son dossier toutes les pièces justificatives. L'étonnement des citoyens est monté encore d'un cran lorsqu'ils ont appris, sur le formulaire en question, que le demandeur doit citer un ou plusieurs camarades, ainsi que leurs coordonnées, avec lesquels il a suivi ses études. Après tant d'années, est-il aisé que les Algériens retrouvent leurs anciens camarades d'école, de lycée ou de fac ? Pourquoi faut-il que ces derniers soient cités dans la demande de passeport ou de pièce d'identité biométriques ? Autant de questions auxquelles les Algériens aimeraient bien avoir des réponses d'autant plus qu'on leur demande également de citer un ou plusieurs collègues, avec leurs nom, prénom, adresse et e-mail et activité professionnelle. Dans le tableau se rapportant au service national, le demandeur de ce nouveau passeport doit citer aussi un ou plusieurs camarades de même contingent. C'est dire enfin si le département de Noureddine Yazid Zerhouni n'a fait là qu'accentuer encore la cacophonie qui règne autour du passeport et de la pièce d'identité biométriques. Au lieu de faciliter la vie de ses administrés, notre administration semble vouloir l'assombrir à l'heure même où les tracasseries bureaucratiques pèsent toujours sur le quotidien des Algériens. Et pourtant, dans les pays développés, l'introduction d'une demande de passeport biométrique ne demande pas autant de chamboulements. Pour preuve, en France, un simple justificatif de domicile, un autre de nationalité, deux photos d'identité et un formulaire à remplir suffisent pour obtenir le passeport biométrique. Dans notre pays, ce nouveau document s'apparente, malheureusement, beaucoup plus à une lourde charge qu'à un acquis. A. S.