Synthèse de Hassan Gherab Après l'échec de Copenhague avec son accord a minima, non contraignant, en décembre dernier, les délégués de 175 pays se sont retrouvés du 9 au 11 avril à Bonn, l'ancienne capitale fédérale d'Allemagne, pour tenter de faire avancer les négociations sur le climat. Cette réunion avait pour objectif de recréer un climat de confiance entre pays riches et pays pauvres pour ne pas rééditer Copenhague. Mais il n'en fut rien. Bien au contraire, ces trois journées de négociations -les premières depuis Copenhague- n'ont fait que souligner les blocages que devra lever la prochaine réunion annuelle des ministres de l'Environnement, prévue du 29 novembre au 10 décembre prochains à Cancun, au Mexique, pour tenter d'enrayer la hausse du thermomètre mondial. Les dissensions étaient toujours là pour bloquer toute avancée et ont finalement fait de Bonn un Copenhague Bis. Lors de la réunion, les Etats-Unis et la Chine, les deux plus gros émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, se sont opposés sur la stratégie à suivre. Washington souhaite qu'en 2010 les discussions soient basées sur l'Accord non contraignant de Copenhague. Mais Pékin estime que les négociations doivent être basées sur d'autres documents de l'ONU et souligne que le Premier ministre Wen Jiabao a été contrarié à Copenhague par la manière dont les réunions se faisaient par petits groupes. Après trois jours de négociations sans issue et plusieurs heures de débats tendus, les délégués ont dû, dans la soirée de dimanche dernier, se résigner à calquer Copenhague en s'entendant sur un autre accord a minima. Trois jours pour finir avec un texte alambiqué sur le sort à réserver à l'accord de Copenhague, et une esquisse de programme, voilà le résultat de la rencontre sur le climat de Bonn. Les diplomates du climat ont donné mandat à la présidente du principal groupe de travail, la Zimbabwéenne Margaret Mukahanana-Sangarwe, de rédiger un texte qui pourrait servir de base aux éventuelles décisions à Cancun. Toutefois, le document adopté ne contient aucune référence explicite à l'accord de Copenhague. La présidente a juste précisé, oralement, qu'il serait pris en compte, comme l'ensemble des autres travaux. Quant au programme, les délégués se sont entendus sur le principe de deux réunions supplémentaires, qui seront longues chacune d'au moins une semaine et auront lieu au cours du second semestre 2010. Le lieu et les dates exactes n'ont pas été arrêtés pour l'instant. Elles se dérouleront en plus d'une session prévue à Bonn encore, du 31 mai au 11 juin. Ces réunions, comme l'accord de Bonn, devront contribuer à préparer Cancun et éviter l'hypothétique échec. Le chef de la délégation américaine à Bonn, Jonathan Pershing, s'est montré optimiste. «Nous avons eu une issue plutôt positive. C'est de bon augure pour ce qui suivra», a-t-il affirmé. «Nous avons fait des progrès considérables en vue de recréer un esprit positif […]. Le multilatéralisme est un processus très lent et complexe», renchérira Dessima Williams, qui préside l'Alliance des petits Etats insulaires. Wendel Trio, de Greenpeace, mettra un bémol : «Nous disposons d'un accord sur un programme minimum. C'est un début, mais ce n'est pas un début extrêmement bon.» Le ton est donné. Un autre échec à Cancun n'est pas exclu, pour ne pas dire se profile déjà. «Certains délégués ne semblent pas avoir intégré ce qui s'est passé à Copenhague et la nécessité d'avoir rapidement des résultats concrets.» «Ce n'est pas un désastre mais cela n'inspire pas beaucoup de confiance pour la suite», résumait Alden Meyer, du think-tank américain «Union of Concerned Scientists», rappelant la nécessité de progresser sur le fond : la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le chef de la convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques, Yvo de Boer, voulant conjurer le mauvais sort qui est réservé au climat, ira dans le même sens en avertissant néanmoins qu'il faut coûte que coûte parvenir à lever les obstacles les plus importants pour éviter un autre échec. «Si nous assistons à un autre échec à Cancun, cela entraînera une grave perte de confiance sur l'efficacité de ce processus», a-t-il affirmé. «Nous ne devons pas chercher à avoir des réponses à toutes les questions à Cancun», tempérera-t-il pour donner toutes ses chances au prochain rendez-vous sur le climat. Faisant preuve de lucidité et de clairvoyance, M. de Boer dont le mandat de quatre ans arrive à terme en juillet prochain ira plus loin et soutiendra qu'il n'y aura pas d'accord sur le climat cette année (à Cancun), déclarant qu'il faudrait probablement attendre le rendez-vous suivant, en Afrique du Sud fin 2011, pour aboutir à un traité légalement contraignant. «Je ne pense pas que Cancun se soldera par un accord final», dira-t-il à Reuters en marge de la réunion de Bonn. «Je crois que Cancun pourra permettre de s'entendre sur une armature opérationnelle, mais pour transformer cela en un traité, si telle est la décision, il faudra plus de temps […]. Je pense qu'il nous faudra beaucoup plus de réunions sur le changement climatique avant de parvenir à une solution définitive», a-t-il ajouté. Aussi plaidera-t-il pour des actions réelles sur le terrain. L'objectif est aujourd'hui plutôt d'arriver à «un jeu de décisions opérationnelles», affirme M. de Boer qui, pragmatique, dira que les gouvernements représentés aux réunions devraient se concentrer cette année sur des mesures concrètes : aide aux pays les plus exposés aux impacts du dérèglement climatique, transferts de technologies vertes, lutte contre la déforestation (environ 1/5 des émissions mondiales de gaz à effet de serre). Ce sont justement là les actions concrètes et les mesures pratiques qui posent problème et constituent une partie des obstacles qu'on n'arrive toujours pas à lever. Les pays riches se sont jusque-là limités à faire de grandes promesses et de petits dons. La semaine prochaine, les Etats-Unis tiendront une séance de travail avec 17 pays représentant plus de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Des délégués ont estimé qu'en 2010 des progrès pourraient être enregistrés sur la réunion de fonds, la protection des forêts et l'aide à apporter aux pays pauvres pour qu'ils s'adaptent aux changements climatiques tels que la désertification, les inondations et la montée du niveau des mers. Mais aucune précision, aucun chiffre, aucune action n'est donnée. On conjugue toujours au conditionnel et on en reste au stade des supputations. En attendant, on continue à asphyxier la Terre en s'accusant mutuellement du crime. Rencontres et débats ne servent qu'à ça. Même les scientifiques s'y sont mis avec des études contradictoires qui alimentent la polémique au lieu d'apporter les éclairages et les preuves qu'on pourrait jeter à la figure des politiques pour, peut-être, les amener à faire quelque chose pour cette planète qu'ils n'ont pas fini de surexploiter. H. G. L'accord de Copenhague L'accord a minima et non contraignant de Copenhague vise à contenir la hausse moyenne des températures mondiales en dessous de deux degrés Celsius, par rapport à l'ère pré-industrielle, mais il ne dit pas comment y parvenir. De plus, de nombreux spécialistes estiment, avec juste raison, qu'il est peu probable qu'on y parvienne. Les engagements chiffrés à ce jour sur table restent insuffisants pour s'inscrire dans une trajectoire de division par deux des émissions mondiales d'ici à 2050, et ainsi espérer rester sous la barre des deux degrés de hausse. L'accord prévoit également un financement pour les pays les plus vulnérables à court terme (30 milliards de dollars entre 2010 et 2012) et moyen terme (100 milliards par an d'ici à 2020). Mais le statut hybride de ce document, qui n'a pas été adopté mais dont les délégués des quelque 190 pays rassemblés à Copenhague ont juste «pris note», complique la situation plus qu'il ne la clarifie. Officiellement soutenu par plus de 110 pays, le texte de deux pages et demie compte de farouches détracteurs qui dénoncent les conditions dans lesquelles il a été négocié.