De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Un mois durant (18 avril- 18 mai), la ville de Constantine doit évoquer son patrimoine sous ses deux aspects, matériel et immatériel. A cet effet, un programme englobant expositions et débats sur le sujet vient d'être concocté par la direction de wilaya de la culture en collaboration avec le Théâtre régional et l'université des frères Mentouri. «Patrimoine culturel et identité» est le thème retenu cette année. Il est attendu que la cité millénaire s'illustre à travers beaucoup de prestations et de représentations. L'association «Les amis du musée» sera, encore une fois, omniprésente dès lors qu'elle ne cesse de mettre en valeur ce riche patrimoine dont dispose Constantine. A ses côtés, l'association Tidis, comme à l'accoutumée, défendra le site archéologique dont elle a pris le nom grâce aux mécènes de cette localité de Beni H'midane. Et l'association «Les amis du palais» avec le concours du Centre national de recherche en préhistoire et anthropologie, brillera par des interventions ciblées, dont un thème fort qui traitera de la relation entre les associations et la préservation du patrimoine. C'est un fait nouveau qui permettra de mettre en lumière toutes ces richesses patrimoniales, souvent ignorées, ou, tout simplement, ne jouissant que de peu de considération et d'intérêt de la part des citoyens. Comme il devrait permettre de souligner l'intérêt accordé par la tutelle locale à ces quelques associations qui, contre vents et marées, restent au chevet du capital patrimonial en vue de le garder intact. L'aspect financier, qui constitue le talon d'Achille de ces associations, sera vraisemblablement débattu au cours de cette rencontre. Pour rester dans le chapitre du soutien étatique alloué à ces militants pour la préservation du patrimoine, il faut savoir que les budgets n'abondent pas toujours. Les pouvoirs publics injectent rarement de l'argent dans les actions du mouvement associatif. Les contributions des adhérents sont souvent la seule source, maigre du reste, de financement pour l'association. Tidis en est l'exemple. Aidée dans le passé par la direction de la jeunesse et des sports et l'Assemblée populaire de wilaya, elle est restée sans ressource cette année, apprend-on de son président M. Mechati. Le motif du refus d'octroi de la subvention serait lié à un différend entre le DAL et la DJS. A ce sujet, le président de l'association nous dira : «Nous faisons du porte-à-porte pour récolter des fonds. A Beni H'midane, les gens n'ont pas encore intégré le concept du sponsoring. Mais ils se montrent tout de même prêts à nous aider». «Tidis doit sa survie au concours de la municipalité qui la sollicite en diverses occasions tant pour l'activité culturelle que sportive», reconnaît-il avant de revenir sur l'enveloppe budgétaire allouée par la wilaya pour l'aménagement du site. «40 millions de dinars seraient destinés à l'aménagement du site. Dans ce cas, on aimerait bien que les responsables nous associent à ce projet puisque sans cette association, le site aurait été altéré il y a bien longtemps», déclare M. Mechati.Même situation chez «Les amis du musée Cirta» qui volent de leurs propres ailes avec quelques modestes bouffées d'oxygène émanant de l'APW. Quoi qu'il en soit, le patrimoine constantinois attend toujours d'être libéré de son éternel carcan. A ce propos, le directeur de la culture de wilaya, contacté par nos soins, dira : «Le ministère de la Culture, donc l'Etat algérien, est le seul garant de la préservation du patrimoine. Cela dit, rien n'empêche les associations désireuses d'y contribuer bénévolement d'apporter leur pierre à l'édifice en élaborant des perspectives claires. Elles pourront dès lors prendre attache avec l'office culturel pour peaufiner d'éventuelles actions.» Sur un autre plan, le responsable dénoncera ces «pseudo conservateurs du patrimoine», dont l'éligibilité reste à vérifier au sein de leur association. Sans donner plus de détails, il s'est dit attentif à toute bonne initiative allant dans le sens de cet acquis culturel tout en étant loin des considérations autres que le souci de préserver notre culture et toutes ses richesses, tangibles et intangibles.Souvent ignoré par la population, le patrimoine renaîtra-t-il de ses cendres durant ce mois qui lui est dédié ? A priori, les acteurs du secteur ambitionnent de rendre sa place à ce legs et par là même lui garantir une pérennité. Ne dit-on pas que le patrimoine concourt à l'identité nationale ? Toutefois, sur le terrain, la sensibilisation ne bat pas son plein si l'on excepte le rôle des trois associations susmentionnées. Il est rare de voir des actions menées hors contexte des dates officielles. Ce travail sur le terrain en direction des citoyens fait défaut au point que des cités anciennes entières se voient précipitées dans l'oubli et l'amnésie. «Le patrimoine, c'est une partie indissociable du vécu du simple citoyen. Cependant, il ne devrait souffrir de solitude. Autrement dit, l'exposer juste quand on en a besoin pour marquer des éphémérides conjoncturels», analyse un universitaire. Cette lecture fait l'unanimité dans le milieu estudiantin et culturel constantinois. Les deux parties mettent en exergue, voire dénoncent, l'attitude des responsables locaux par leur manière de célébrer les richesses «patrimoniales». Dans ce sillage, des citoyens reviennent sur le peu d'importance accordé par l'école à la vulgarisation du patrimoine matériel et immatériel. «Les programmes scolaires sont dégarnis d'un chapitre important. De plus, si l'on s'aventure à présenter ce volet aux élèves, ils n'auront certainement pas le temps suffisant pour le cerner et en comprendre l'importance étant donné la surcharge dans le volume horaire», estiment-ils.La capitale de l'Est algérien croirait probablement à Sidi Rached qui demeure le seul gardien de son patrimoine, en attendant la multiplication d'associations vraiment actives qui travailleraient sans trop attendre un retour d'ascenseur de la part de l'administration, laquelle devra tout de même assumer ses charges. Constantine requiert beaucoup d'amis du patrimoine pour pouvoir faire face à tous ses ennemis et leurs complices, par démission, laisser-aller ou ignorance, la mère de tous les maux et fléaux.