Photo : S. Zoheïr Par Ali Boukhlef Le barde est de retour. Cinq ans après son dernier produit, le poète Lounis Aït Menguellet a finalement annoncé, avec parcimonie, la sortie, pour l'été, de son nouvel album. L'annonce, qui fait partie de la catégorie des hirondelles qui annoncent le printemps, a été faite, vendredi dernier à Paris. Le poète venait, en effet, annoncer un concert gala qui sera animé, le dimanche 2 mai prochain au Palais des sports de Paris Bercy, en France, conjointement avec l'autre légende de la chanson kabyle, Akli Yahiatene. Toujours discrète, la légende vivante de la poésie algérienne moderne n'a pas souhaité aller plus loin. A peine si le poète a laissé entendre que ce nouveau produit contiendra six chansons. Et comme pour ajouter un peu de miel, il a précisé que les arrangements sont faits par son fils Djaafar qui, lui-même, est en train d'enregistrer un nouvel album. Le barde n'ira pas loin dans ses confessions. Pas plus d'ailleurs sur la chaîne BRTV qui lui a réservé, vendredi dernier, une émission spéciale de deux heures. Un temps à la fois court -puisqu'on ne peut résumer plus de 40 ans de carrière en un laps de temps aussi court- et plaisant. Car, en plus des innombrables remarques et réflexions, parfois aussi profondes que l'est sa poésie, Lounis Aït Menguellet a concédé un avantage rare aux milliers de téléspectateurs qui ont suivi l'émission. Il a fredonné un couplet d'une des chansons du nouvel album. Le morceau s'appelle la Feuille blanche. Et le poète explique que l'idée lui est venue du «syndrome de la feuille blanche». Et c'est parti. «Je me suis levé à l'aube, pour écrire un poème, dis-je. Mais je ne savais pas que, devant la feuille blanche, mes idées seront impuissantes…» Ce sont les premiers mots du chanteur, accompagnés des airs de ses belles mélodies. Et la première impression qui se dégage de cette «fuite» est que Lounis est égal à lui-même. Comme la philosophie de son dernier opus Rien de nouveau sous le soleil, sorti en 2005, Aït Menguellet est égal à lui-même : même genre musical, même consistance dans l'élaboration des textes. «Je ne sais pas comment, mais j'ai l'impression que tous les thèmes ont déjà été abordés. Ce qui diffère, c'est plutôt l'angle d'attaque», a expliqué Lounis Aït Menguellet avec sa modestie habituelle. Plus que des sujets liés à sa carrière, cette émission-confession a permis de découvrir des facettes peu connues du grand public. Il y a d'abord cette participation à la fondation d'un groupe de chant «Group imazighen» dans les années soixante. Mais ce qui est peu connu, par contre, est l'histoire de cette arrestation au milieu des années 1980. On apprendra d'ailleurs que le poète avait composé l'une de ses plus belles créations Teksem lmehna (vous avez lavé l'affront) en hommage aux militants des droits de l'Homme (il a cité Saïd Sadi, Noureddine Aït Hamouda et Ferhat M'henni, entre autres) arrêtés à cette période. «Remarquant que leur arrestation était pratiquement passée inaperçue, j'avais fait ce que je savais faire, en composant cette chanson. Je l'avais chantée pour la première à Sidi Fredj. A la fin de la chanson, j'avais demandé au public, très nombreux, d'avoir une pensée pour ces hommes… et les menaces commencent à pleuvoir dès ma descente de la scène», a révélé le poète qui affirme avoir été arrêté chez lui une semaine plus tard «par la sécurité militaire». Aït Menguellet affirme que, pendant une semaine, il ne savait pas où il était, jusqu'à ce que ses ravisseurs lui annoncent sa remise aux… autorités civiles. Le poète racontera, durant deux heures, pleines d'autres étapes aussi croustillantes, à l'image de sa rencontre avec El Hadj M'hamed El Anka ou encore avec le grand Kateb Yacine qui le qualifiait de «plus grand poète vivant». Les amoureux de l'artiste vont, en tout cas, se régaler le 2 mai prochain. Pour les fans restés au pays, ils verront leur idole certainement à plusieurs reprises, puisqu'à l'exception de certains accidents de parcours, Aït Menguellet n'a jamais coupé les ponts avec son peuple et son pays.