La dernière tournée de l'émissaire américain George Mitchell au Proche-Orient n'a pas apporté de percée notable. Israël répète à qui veut bien l'entendre qu'il n'y aura pas d'arrêt de la colonisation des territoires occupés. Mieux, l'Etat hébreu entreprend une des plus vastes opérations d'épuration ethnique de ces dernières années. Depuis le 13 avril dernier, l'application d'un décret militaire permet à l'occupant israélien d'expulser des dizaines de milliers de Palestiniens de Cisjordanie. Obsédées par la démographie, les autorités d'occupation inventent sans cesse de nouvelles règles afin d'expulser le maximum de non-juifs de la terre de Palestine. La construction permanente dans les colonies, l'expulsion des Arabes d'El Qods s'inscrit dans la continuité de 1948 : expulser de leur terre des milliers de Palestiniens afin qu'ils ne puissent devenir démographiquement majoritaires sur l'ensemble de la Palestine historique.La mission de Mitchell de la semaine dernière donnait l'air de ne pas être destinée à convaincre Israël de changer d'avis mais de l'assurer de l'indéfectible soutien américain à sa «sécurité». Un postulat qui ne souffre pourtant aucun doute. L'émissaire d'Obama dans un souci d'équilibre affirmera que les Etats-Unis veulent la «création d'un Etat palestinien». Ce dernier reste, lui, de l'ordre du virtuel malgré toutes les bonnes intentions. La décision de relancer un processus complètement dévitalisé au fil des ans sonne comme une énième invitation à parier sur un résultat connu d'avance. Il suffit pour s'en rendre compte de voir comment l'Etat hébreu arrive à imposer aux Etats-Unis ses propres priorités. Bombarder l'Iran et focaliser sur les prétendues menaces de la Syrie et du Hezbollah. L'empressement dont fait preuve l'administration américaine à satisfaire les desiderata israéliens est absolument fascinant. Récemment, le chef de la représentation syrienne à Washington a été convoqué au département d'Etat. La raison : répondre des «actes de provocation» liés à un éventuel transfert par Damas de missiles au profit du Hezbollah libanais. Le scénario d'une montée des tensions régionales dans le cadre de la préparation d'une action violente contre les récalcitrants à l'hégémonie israélienne est dans l'air. La convocation du diplomate syrien le jour du soixante-deuxième anniversaire de la création d'Israël est un énième signal de l'alignement américain sur un Etat raciste fondé sur l'appartenance religieuse. Il faut dire que l'atmosphère géopolitique actuelle le permet amplement. Aucun Etat arabe n'a l'envergure pour convoquer un quelconque proconsul américain afin de signifier sa désapprobation devant le soutien éhonté de la première puissance démocratique à une politique d'apartheid condamnée par les règlements internationaux. Les capitales arabes ne se risqueraient pas également à condamner les fournitures massives d'armement à un régime qui occupe illégalement des terres et bombarde des innocents sans défense. Pourtant, l'histoire retiendra que la résistance des peuples ne peut être anéantie par la suprématie militaire ni par la sujétion. Classer le Hezbollah comme organisation terroriste voisine d'un Etat dont les forfaits criminels ne se comptent plus est très difficile à faire accepter chez les peuples libres. La réalité sur le terrain est loin de plaider pour cette approche bancale. Illusion Les néo-conservateurs au sein de la diplomatie américaine s'alarment de la prétendue fourniture de missiles au Hezbollah. Et d'un autre côté, ces distingués diplomates semblent aveugles face aux très modernes bombes au phosphore made in USA que Ghaza sans défense a goûtées durant l'agression 2008-2009. Les terribles images de ces massacres sont encore les témoins du deux poids, deux mesures. Ainsi, au moment où l'on s'attendait à davantage de pression sur le gouvernement israélien de droite, la dernière virée de George Mitchell au Proche-Orient s'est arrêtée net devant l'intransigeance de l'Etat hébreu. Mahmoud Abbas est prié à nouveau de s'engouffrer dans l'éternel «processus» de négociations. Le chef de l'Autorité palestinienne, à la légitimité fortement contestée, s'est vu dans un sursaut d'orgueil contraint, ces dernières semaines, de refuser de reprendre les vaines discussions avec un adversaire fourbe et qui ne respecte plus les lois internationales. Les Etats arabes de la région seront appelés à la rescousse pour l'aider à «revenir à la raison» en lui suggérant d'entrer dans ce processus alibi. Finalement, l'activité du représentant d'une administration manquant de courage vis-à-vis d'Israël et de son puissant lobby n'aurait qu'un seul but : contraindre Mahmoud Abbas à rejouer une partition qui n'emballe plus personne. Pour faire passer la pilule de l'agression de l'Iran, il faudrait absolument donner l'impression aux opinions de la région que les Etats-Unis sont sérieusement engagés dans «un processus de solution pour les Palestiniens». Les Etats arabes dits «modérés» pourraient faire monnayer leur adhésion pour obtenir une quelconque contrepartie à un soutien d'une agression contre l'Iran. Mais pour certaines «grandes» capitales arabes, la prétendue menace chiite est devenue autrement plus préoccupante que celle de l'occupant israélien. Les Etats-Unis vont donc sonner la grande mobilisation pour amener les Etats arabes de la région à percevoir comme un grandiose «pas en avant» la proposition israélienne de création d'un «Etat palestinien avec des frontières provisoires». Dans la réalité, l'Etat aux frontières «provisoires» le restera définitivement. Les policiers de Ramallah seront chargés de veiller à la pérennité de ce système d'apartheid avec l'assentiment des démocraties occidentales. Le président palestinien Mahmoud Abbas, successeur sans envergure de Yasser Arafat, risque fort de se transformer, cette fois-ci définitivement, en agent chargé de veiller au silence des éternels suppliciés. M. B.