De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Difficile de dire que les jeunes Oranais soient attachés à la culture, à l'histoire ou au patrimoine algérien et qu'ils s'y intéressent. Nés dans la violence et la confusion des années 90, ils ont grandi dans une société en pleine déliquescence, au sein de familles souvent anxieuses, et fréquenté une école algérienne en déroute. Aujourd'hui, ils sont livrés à eux-mêmes, sans repère identitaire, avec l'ambition de devenir riches ou de vivre à l'étranger. «Au lieu de faire un effort pour nous comprendre et saisir nos aspirations, certains nous stigmatisent en nous traitant de délinquants ou carrément de traîtres au pays», déplorent de nombreux jeunes, mettant en avant une foule d'obstacles qui les handicapent (absence de perspectives claires, difficultés pour trouver du travail ou poursuivre des études...) alors que, par ailleurs, des richesses à l'origine douteuses se multiplient. «Pourquoi n'aurais-je pas droit à une BMW et une maison cossue ?» se demande Mohamed, 15 ans, déjà attiré par le luxe, à la grande déception de ses parents qui préféreraient le voir poursuivre des études. «Pourquoi ne serais-je pas aussi riche que ceux que je rencontre dehors, conduisant des voitures de luxe et dépensant sans compter ? S'intéresser à l'histoire, la culture, pour quoi faire ? Tout cela est dépassé maintenant. L'histoire est derrière nous et la culture ne sert à rien! » Doit-on s'étonner que Mohamed et ses amis suivent passionnément les émissions de télé-réalité que proposent les chaînes françaises, qu'ils écoutent du R'nb ou du raï et ne s'intéressent que très modérément à leurs études ?Et bien entendu, tout semble donner raison à ces jeunes et à leurs semblables, les discours véhiculés par la majorité des télévisions, des valeurs désormais soutenues par la société algérienne, les messages sous-tendus par la multiplication des scandales financiers, l'impuissance de l'Etat à juguler les comportements délictueux, la démission indécente des députés..., tout plaide pour l'abandon des valeurs et vertus que, bien entendu, tout le monde défend officiellement.Malgré tout, bien que la tendance générale soit à l'adoption de nouveaux comportements étrangers à la culture algérienne, il s'en trouve qui, par passion ou conviction, s'intéressent à l'histoire de leur pays sans laquelle l'avenir ne pourrait se construire : «Je trouve l'histoire palpitante», affirme Rachid, la quarantaine. «Depuis mon enfance, je dévore des centaines de livres retraçant les parcours historiques des pays ou des personnages et je ne trouve rien de plus passionnant.» Et bien qu'il soit, lui aussi, confronté aux soucis de la vie, il ne passe pas une nuit sans ouvrir un livre ou relire ou tel passage historique sur son ordinateur : «Il faut avouer que nous n'étions pas assaillis par les nullités des télévisions d'aujourd'hui ni tentés par ces millions de futilités que l'on trouve sur Internet. Dans les années 70 et 80, la lecture et le cinéma étaient les seuls loisirs que mes parents me permettaient.»Il est vrai qu'entre le jeune Rachid et Mohamed, il y a un fossé de 25 années que les tumultes et les turbulences algériennes ont approfondi, devenu presque impossible à combler.