Après avoir écouté, ou fait semblant, et après avoir «digéré» le discours-réquisitoire de M. Bouteflika contre l'ensemble de la gouvernance algérienne, celle-ci est repartie juste après, dans le même esprit, avec les mêmes méthodes et surtout dans une superbe langue de bois qui rendrait verts de jalousie les caciques de tous les ex-partis uniques. Les couches moyennes, dans leurs versants les plus utiles, sont exclues du rêve, celui d'avoir un jour un véhicule même du bas de gamme. Les taxes, énormes, fixées pour les voitures, n'ont à l'évidence rien à voir avec les transports collectifs (calamiteux) et encore moins avec un métro dont l'achèvement s'éloigne chaque jour comme l'horizon ou le tramway (où et pour quand ?). Improvisée, sans aucune concertation avec les concessionnaires ou les couches sociales les plus fragiles, la décision apparaît frontalement contraire à ce qu'avait laissé espérer le discours du Président. Riche et pauvre, dans le même sac ! Après avoir mis l'accent sur les ressources humaines dans le pays, autrement dit en mettant en exergue la place de l'homme au cœur du développement national, le Président est en quelque sorte désavoué par les dirigeants du système éducatif. Ces derniers, devant une grève de la faim menée par des enseignants contractuels, refusent, à travers une rigidité digne de Staline, toute possibilité de dialogue, toute médiation pour trouver des solutions justes de part et d'autre, civilisées, en excluant la violence que le pays a trop connue et connaît encore. On fait donner la police face à des Algériens pacifiques, venus déposer une simple lettre. Algériens en uniforme contre d'autres en civil ! Comment ensuite demander aux gens de croire en leurs gouvernants en entendant le premier magistrat faire une autocritique et dénoncer les mauvaises pistes prises jusque-là ? Les autistes dans l'administration ont là aussi réussi à dévitaliser les propos du chef de l'Etat. Pourquoi et pour qui ? Dans tous les cas, les dégâts et l'érosion de la confiance sont là. Comment enterrer un problème ? La réponse est aussi vieille que la politique versus sous-développé : en créant une ou plusieurs commissions. Les gouvernants ont opté pour des ateliers devant le désastre d'une politique de privatisation totalement incompréhensible et celle de l'investissement étranger limité à la vente de services fort juteux (téléphonie mobile), de produits finis (voitures, médicaments et gadgets électroniques) destinés aux classes supérieures et aux barons incultes de l'informel, des conteneurs chargés de pétards et feux d'artifice pour gamins de pays misérables. Les boucs émissaires ? Ils sont tout désignés et parmi eux pas un seul gosse de riche ou de notable. Les harraga, des enseignants, des médecins, des avocats en colère, les habitants des centaines de bidonvilles qui prolifèrent dans le pays, des étudiants qui ne peuvent s'inscrire par Internet dans des campus qui sont des «ruines romaines», selon le premier magistrat qui n'a pas mâché ses mots, en endossant toute sa part des responsabilités qui n'ont pas l'air de concerner le reste de l'Exécutif dont certains membres continuent, imperturbables, de réciter en boucle la litanie de «tout va bien», «il est prévu», «nous allons bientôt»… Dans son septième rapport relatif au développement humain, le Conseil national économique et social (CNES) qui est une instance consultative animée par des experts nationaux qui travaillent pour valider, de façon autonome, des normes, des indices et des instruments d'évaluation pour harmoniser une démarche nationale avec des grilles internationales, a rendu certaines conclusions le mercredi 30 juillet 2008. Le système sanitaire, selon le CNES, comporte de sérieux dysfonctionnements, la femme est très peu représentée dans les instances élues, l'analphabétisme est ancré avec les femmes comme premières victimes. Le listing serait trop long des erreurs et des errements quant à l'absence d'une stratégie globale de développement. Après le discours de M. Bouteflika devant les dirigeants des APC, le CNES apporte des preuves supplémentaires pour que les pouvoirs publics se remettent en question et trouvent des consensus nationaux pour chaque problématique stratégique, en écoutant des voix hors système. Et encore une fois, même l'économie peut évoluer lorsque des solutions politiques consensuelles sont trouvées. La matraque du policier en service commandé, la fermeture du champ médiatique à l'opposition, le savoir «quasi divin» de l'administration, le refus organisé de la mixité dès la crèche et dans l'espace public sont les meilleurs ingrédients pour que l'Algérie patine sur place durablement. A. B.