Le remaniement ministériel opéré récemment par le chef de l'Etat, juste après l'annonce du nouveau programme quinquennal, apparaît comme un message d'assurance à l'égard de l'opinion nationale, voire internationale ainsi que des managers nationaux et étrangers, acteurs principaux des opérations d'investissement : l'Etat a dégagé de nouvelles sommes colossales pour le parachèvement des plans de développement tous azimuts et veut rassurer quant à une utilisation rationnelle et optimale de cette manne financière, puisée, par ailleurs, dans l'apport des contribuables algériens, en plus des recettes pétrolières. Et pour ce faire, il fallait remettre de l'ordre dans la composante de l'Exécutif en charge de l'application du nouveau quinquennat. Des ministres, dont la gestion de leur secteur a été l'objet de critiques, controverses ou scandales financiers, sont écartés. Mais les affaires de corruption ayant dangereusement occupé le devant de la scène nationale depuis quelques mois avaient contraint le gouvernement à prendre d'autres dispositions avant le remaniement partiel, dans le sens de la lutte contre la corruption, entre autres, le durcissement des conditions de passation des marchés publics, dicté par la nécessité de mettre fin à la gabegie et au gaspillage des deniers publics. Ainsi, depuis le 1er janvier 2010, est entrée en vigueur la disposition imposant aux entreprises nationales et étrangères ainsi qu'à leurs sous-traitants de signer une déclaration de probité morale avant de soumissionner pour l'obtention de marchés publics en Algérie. Cette déclaration, avait-on précisé, «est exigible pour tout type de marché, chaque fois que les deniers publics sont utilisés». La mesure en question, rappelons-le, s'applique pour les marchés publics aux niveaux local et central, aux établissements publics et pour les projets de marché initiés par des entreprises propriété de l'Etat ou celles dans lesquelles l'Etat détient une partie des capitaux, précise le texte. Conformément à cette disposition, on retient notamment que le partenaire contractant «doit déclarer sur l'honneur que ni lui ni l'un de ses employés, représentants ou sous-traitants, n'ont fait l'objet de poursuites pour corruption ou tentative de corruption d'agents publics». Il doit, en outre, s'engager à ne recourir à aucune interférence ni pratique immorale ou déloyale dans le but d'avantager ses offres par rapport aux autres concurrents. Dans le cadre de ce contrôle imposé lors des passations des marchés publics et l'exécution des grands projets, le rôle de la Caisse nationale d'équipement et de développement (CNED) est mis à contribution. Quelques mois après la mise en œuvre de cette mesure, force est de constater l'effet contraire, en ce sens qu'elle est en train de créer une sorte d'immobilisme en raison des lenteurs administratives qui l'accompagnent et de la complexité de la procédure. En plus de l'onde de suspicion et de malaise que les différents scandales ont suscitée dans les cercles dirigeants des entreprises nationales, certains cadres éprouvent de plus en plus de mal à assumer leurs prérogatives de signature et de prises de décision. Les appréhensions des gestionnaires quant à cette mesure reflèteraient une précipitation des pouvoirs publics à l'imposer, donnant l'impression d'une réaction défensive peu réfléchie devant la multiplication des scandales financiers dont le préjudice essentiel est d'avoir nui à l'image de marque du pays sur la scène internationale en plus de menacer le devenir de l'économie nationale. C'est le sentiment de plusieurs cadres, comme celui d'une entreprise publique d'envergure qui préfère rester dans l'anonymat. «Il n'y a jamais eu autant d'argent dans les caisses que depuis l'instauration de cette procédure. Les cadres hésitent à s'engager dans des signatures. Une fois la commande d'un client établie, on n'a plus le droit de désigner le transporteur pour acheminer la marchandise comme cela se faisait avant ; il faut attendre que les responsables se réunissent pour le désigner pendant que le client attend sa marchandise. C'est une grosse perte en argent et le client peut facilement demander à annuler sa commande», témoigne-t-il. De quoi donc s'interroger sur l'intérêt d'une procédure si, au lieu de rectifier une anomalie, elle vient compliquer la tâche des responsables. Car il ne suffit pas de décréter une batterie de mesures, encore faut-il que les pouvoirs publics en aient étudié la pertinence et l'efficience ainsi que leur adaptation au reste de la législation déjà existante. Et il semble bien qu'on s'oriente vers cette manière de faire. Le Président a, en effet, promis la mise en place de moyens de contrôle pour garantir une utilisation rationnelle et optimale de l'argent qui sera investi durant le quinquennat 2010-2014. Il faut espérer que ces mécanismes obéiront à la même philosophie qui a sous-tendu le réaménagement du gouvernement et visent le même double objectif : le contrôle rigoureux de la gestion et l'encouragement des bons managers. M. C.